Non à l'"amateurisation" des artistes professionnels !

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Un récent amendement au projet de loi liberté de création déposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale et adopté par la commission des affaires culturelles remet en cause la présomption de salariat des artistes de spectacles au prétexte de favoriser l’exposition des pratiques artistiques en amateur.

De quoi s’agit-il ?

Depuis 1969 la loi prévoit que tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant, rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail (article L7121-3 du Code du Travail) L’article suivant ajoute par ailleurs que « cette présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Cette présomption subsiste même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe lui-même au spectacle. »

Un peu plus loin le Code du Travail précise (article L8221-3) : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations… n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur.

L’amendement présenté par le gouvernement au projet de loi liberté de création à propos des pratiques artistiques en amateur

Les deux premiers alinéas de la proposition gouvernementale définissent à la fois les amateurs et les conditions dans lesquelles ils doivent pouvoir exposer leurs pratiques au public. La possibilité est garantie aux artistes amateurs de pouvoir jouer devant un public, même avec une billetterie destinée à couvrir les frais du spectacle et l’activité de leur groupe. C’est une nouvelle protection importante et nécessaire.

En revanche, Le 3éme alinéa stipule que, par dérogation aux articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail, les structures de création, de production, de diffusion, d’exploitation de lieu de spectacle peuvent faire participer des artistes amateurs à des représentations en public d’une œuvre de l’esprit sans être tenues de les rémunérer, dans la limite d’un nombre de représentations par an, défini par voie réglementaire, et dans le cadre d’un accompagnement de la pratique amateur ou d’actions pédagogiques et culturelles.

Pourquoi cette dernière disposition remet-elle directement en cause la protection sociale des artistes ?

Les articles du Code du travail cités plus haut représentent la colonne vertébrale de la totalité de la protection sociale des artistes interprètes (chanteurs, circassiens, comédiens, conteurs, danseurs, marionnettistes, musiciens…). C’est parce qu’ils ont un contrat de travail qu’ils reçoivent un salaire et c’est à l’intérieur de ce salaire qu’ils cotisent aux différentes caisses sociales. Pour être encore plus clair, sans contrat de travail et sans salaire il n’y a pas d’indemnisation pour le chômage, pas d’assurance maladie, pas de formation continue, pas de pension de retraite, etc.

Dans l’alinéa III de l’article proposé par le gouvernement, il s’agit bien d’une possibilité donnée aux employeurs des artistes de ne pas rémunérer certains d’entre eux, alors même que le spectacle fait l’objet d’une exploitation commerciale.

Le « cadre d’un accompagnement de la pratique amateur ou d’actions pédagogiques et culturelles » n’étant nulle part défini et vérifiable, il est clair que l’employeur pourra choisir qui il paiera ou ne paiera pas selon qu’il qualifiera arbitrairement tel artiste de professionnel salarié et tel autre d’amateur non rémunéré. En outre la notion de travail dissimulé disparaîtra pour l’ensemble des spectacles vivants puisque ni l’aspect lucratif (vente de billets) ni le non-paiement des cotisations sociales ne pourront être invoqués pour rétablir l’artiste dans ses droits actuels. Seul l’employeur décidera du sort social des artistes qu’il engagera. Il s’agit donc de rendre légal ce qui ne l’est pas, au détriment des artistes du spectacle.

Il faut également savoir qu’en ce qui concerne le projet de réglementation pour « limiter » le nombre de représentations, le Ministère de la culture a prévu de fixer ce nombre à 30. Pour certaines structures comme la Philharmonie de Paris c’est la quasi-totalité de la saison qui sera assurée par ces chœurs amateurs. En ce qui concerne le théâtre, lorsqu’on sait que le nombre moyen de représentations pour chaque création est de 7, le nombre de 30 est une véritable provocation. Et l’écrasante majorité des festivals pourra de même recourir à des artistes non rémunérés sans être inquiétée. Le Ministère entend-il régler la question de l’intermittence en réduisant le nombre de professionnels ?

On le voit, ces dispositions ne répondent en rien aux besoins légitimes des artistes amateurs mais fragilisent tous les professionnels du spectacle, qui risquent ainsi de ne plus être dûment rémunérés et de voir l’ensemble de leur protection sociale voler en éclat. En outre si ce paragraphe est maintenu dans la loi, il risque de contribuer à la disparition des métiers artistiques.

C’est pourquoi le Syndicat français des artistes interprètes appelle l’ensemble des artistes, le public, les amateurs, et tous ceux qui sont attachés à la protection sociale existante dans notre pays à signer la pétition demandant aux parlementaires de ne pas remettre en cause les dispositions du Code du travail qui protègent les artistes de spectacles comme les autres salariés.

 

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Icône PDF Amendement déposé par le gouvernement6.27 Ko