Article paru dans Plateaux n°206 - 3ème trimestre 2011
NB. Certains éléments de cet article reprennent les termes d'un article plus dense paraissant sur le site du portaildulivre.com
La loi du 6 fructidor an II (23 août 1794) qui définit le cadre juridique du nom de famille dispose qu’« aucun citoyen ne pourra porter de nom ou de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ».
Le « pseudonyme » ou « nom d’emprunt » sous lequel des personnes, tels les artistes et les écrivains, sont reconnus du public, ne fait donc pas l’objet d’une règlementation juridique spécifique.
Toutefois, le choix d’un pseudo n’est pas un acte neutre puisqu’il est encadré par des limites juridiques qu’il est utile de connaître et que son usage entraîne également des conséquences juridiques.
Le choix du pseudonyme
Le pseudonyme bien que librement choisi, voire inventé, n'est pas un faux nom puisqu’il ne se substitue pas au nom de famille. C’est la raison pour laquelle il ne peut être mentionné sur les actes d’état civil (actes de naissance et de mariage) et qu’il n’est pas transmissible aux héritiers qui ne peuvent prétendre à aucun droit sur le pseudonyme.
Le choix de n'importe quel pseudonyme est licite à condition qu'il ne porte pas atteinte à l’ordre public (dénomination qui présenterait un caractère raciste ou injurieux par exemple) et qu’il ne soit pas prétexte à s'approprier la renommée d'un tiers ou à s'attribuer une parenté existante qui procurerait des avantages auquel ne donnent pas droit les règles de dévolution du nom.
Il est possible de changer de pseudo, voire d’en utiliser plusieurs en parallèle.
Le Code de la propriété intellectuelle (article L.711-1) fait figurer les pseudonymes parmi les signes pouvant être déposés comme marque auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).
Les droits conférés par le pseudonyme
Le pseudonyme peut faire l’objet d’une véritable appropriation qui permet à celui qui le porte d’en défendre l’utilisation. Cependant, il n'aura d'existence juridiquement protégée qu'à la suite d'un usage notoire et incontesté et de sa consécration par une forme de publicité.
Le droit au pseudonyme permet à son titulaire de :
- signer de son pseudonyme ses œuvres ainsi que les contrats d'exploitation de celles-ci,
- signer de son pseudonyme tous les actes, y compris les actes notariés,
- disposer d'une action en réclamation : il pourra exiger qu'on le désigne sous son pseudonyme dans toutes les manifestations où il apparaît sous son pseudo : catalogues, affiches programmes...etc.
De même, son titulaire peut défendre à ceux qui connaissent sa véritable identité de la divulguer à des tiers.
- disposer d'une action en contrefaçon de pseudonyme :
Il pourra s'opposer à ce que ce pseudonyme soit utilisé par d'autres, y compris les porteurs d'un nom de famille semblable qui voudraient en faire un usage concurrentiel.
Ainsi, les titulaires d'un nom de famille qui ont laissé se développer un pseudonyme homonyme sans protester dès ses premières manifestations, ne sont plus fondés à se plaindre de l'usage qui est fait de leur nom par le porteur du pseudonyme. - disposer d'une action en concurrence déloyale contre toute usurpation de pseudonyme.
Le droit au pseudonyme se classe en effet parmi les droits de clientèle et bénéficie d'un monopole d'exploitation au même titre que la propriété littéraire et artistique, le brevet d'invention, le nom commercial, la marque de fabrique ou de commerce ou l'enseigne.
- faire mentionner le pseudonyme sur sa carte d’identité, ce qui permet par exemple de retirer un mandat ou une lettre recommandée et même d’ouvrir un compte bancaire sous pseudo.
Pour que le pseudo puisse être apposé sur une carte d’identité à la suite du nom de famille, il faut justifier de son usage constant et de sa notoriété. L’administration disposant d’un libre pouvoir d’appréciation en la matière, il est donc recommandé de joindre au dossier : soit une attestation délivrée par l’organisme professionnel auprès duquel l’activité sous pseudonyme est exercée (le SFA peut délivrer une telle attestation aux artistes interprètes qui en font la demande), soit un acte de notoriété délivré par un notaire ou par le juge du tribunal d’instance.
L’administration acceptait également jusqu’à très récemment de mentionner le pseudo sur le passeport ce qui était très utile pour l’exercice professionnel à l’étranger.
Or plusieurs artistes interprètes se sont vus notifier par la préfecture que la règlementation actuelle ne permettrait plus l’adjonction du pseudo sur le passeport.
Le SFA a donc alerté le ministère sur cette question susceptible de porter atteinte à l’exercice professionnel des artistes interprètes.
Karine PELADE
Déléguée juridique