Nous sommes à l’ère des « créateurs-robots » : des logiciels utilisant ce qui est communément appelé « intelligence artificielle générative » seraient à même de « créer » de nouvelles œuvres en piochant dans des œuvres existantes par-ci par-là. Pour nous les artistes-interprètes, ce problème se retrouve dans le doublage aujourd’hui, où de nouvelles voix synthétiques sont générées à partir d’enregistrement de personnes réelles qui, elles, n’ont pas forcément donné leur consentement. Demain, ce problème pourrait être transposé à l’image, à l’instar des deepfakes.
Ne nous y trompons pas : l’intelligence artificielle peut-être un formidable outil, notamment dans le secteur de la médecine. Mais comme toute technologie, elle peut se retourner contre nous si nous l’utilisons à mauvais escient.
L’intelligence artificielle va-t-elle modifier notre existence ? nous « déshumaniser » ?
Il n’est pas sûr que nous ayons besoin d’elle pour un tel processus, et plutôt que de craindre l’intelligence artificielle, nous pourrions nous interroger sur notre mode d’existence actuel qui l’a fait naître.
La logique actuelle de marché, avec la rentabilité et la productivité qu’elle induit, est une logique de calcul. Tout comme l’intelligence artificielle générative qui vient confirmer ce mode, c’est un calcul sans pensée, comme une technique dénuée de sensible. Et cela se retrouve dans les conditions d’exercice de nos métiers, où le geste artistique est progressivement réduit au profit d’une logique pure d’efficacité : son profil correspond-il au rôle ? Est-elle ou est-il « bancable » ? Le produit sera-t-il vendeur ?
L’intelligence artificielle ne crée pas, elle n’a ni pouvoir artificiel de l’artiste qui compose avec son imaginaire, ni l’intelligence de l’artiste utilisant sa pensée ; elle ne peut pas évoluer, dans aucune pratique, via l’expérience charnelle et réflexive.
Nous, qui avons ce pouvoir, serions bien inspirés de nous en saisir pour être en capacité d’inventer dans nos œuvres, mais également dans les prochains droits qu’il nous faudra construire, notamment en matière de ce qu’il est convenu d’appeler la propriété intellectuelle.
Nous sommes encore des femmes et des hommes et pouvons encore réagir au trimestre pourri d’un artiste lyrique, nous battre pour l’amélioration de nos droits à Radio France et pour l’égalité des genres dans le cinéma, l’audiovisuel et le spectacle vivant ; et nous pouvons encore nous rencontrer (en « présentiel », oui oui !) dans les festivals d’été, et notamment à Avignon où le SFA continuera de tenir sa permanence.
Bon été !