Article paru dans Plateaux n°200 - 1er trimestre 2010
C’est un joli nom Camarade
Ainsi l’écrivait Jean Ferrat et ces quelques mots dessinent le personnage.
C’était un artiste et un citoyen qui a été privé d’antenne de 1969 à 1971 et dont certaines chansons ont été censurées (Ma France –le disque était vendu par des militants- Nuit et brouillard, Potemkine).
Des millions de gens pendant cinquante ans
ont fredonné du Jean Ferrat : c’étaient des chansons populaires, pour
chanter ensemble…
L’interprète avait une voix de grand chanteur de charme. Le musicien avait été guitariste de jazz, c’était un superbe mélodiste. Et l’auteur, c’était selon son inspiration qu’il puisait dans ses colères et ses révoltes et aussi ses bonheurs… Enfin, un artiste quoi !
Quand l’inspiration n’était pas au rendez-vous, il travaillait avec d’autres ou bien il mettait en musique des poèmes qui rejoignaient ses convictions et sa poésie.
Je souhaite à la nouvelle génération de rencontrer un artiste aussi chaleureux et curieux des autres ; j’ai eu la chance d’avoir son écoute et son encouragement fraternels.
Nous sommes un certain nombre à avoir parcouru un bout de route dans ce métier avec Jean Ferrat à nos cotés. C’était un militant membre de notre syndicat. Nous avons lutté, chanté ensemble. En ce temps là notre syndicat avait une « branche » Variétés. Beaucoup d’artistes s’y retrouvaient : il y avait Catherine Ribeiro, Jacques Bertin, Jean Vasca et Claude Vinci, Alex Metayer, Marc Ogeret, Francesca Solleville et bien d’autres… Tous trouvaient indispensable d’être membres d’un syndicat pour défendre cette profession : un artiste a des droits comme n’importe quel travailleur.
Jean s’était retiré en Ardèche mais il revenait souvent à l’occasion de débats exprimer son désaccord avec le comportement des média (la chanson anglophone qui envahissait les radios) et les majors qui ne soutenaient pas la création française dans sa diversité. En 2002 il publia une tribune dans Le Monde « Qui veut tuer la chanson française ? ». Il était très au fait de ce métier et voyait dans tous les domaines les acquis sociaux être remis en question, et pour quelqu’un comme lui, c’était une blessure. Il était très choqué que certains artistes travaillent au « chapeau ». Oui, c’était un homme engagé et il a été concerné par tous les combats.
Ses chansons ont ponctué notre vie… (Quand j’ai accouché, entre deux contractions, j’avais dans la tête « La femme est l’avenir de l’homme »). Ses chansons font partie de notre patrimoine. Elles sont partisanes et elles racontent l’histoire des petites gens qui se mêlent de la grande Histoire. Son public était fervent et aujourd’hui il pleure un oncle, un père, un frère : quelqu’un de leur famille… Sa vie et son œuvre ne faisait qu’un. Jean, c’était un homme digne, un homme de conviction : « Je ne chante pas pour passer le temps ».
Voici quelques vers qu’il a écrits après la mort de Boris Vian :
Tu vois
rien n'a vraiment changé
Depuis que tu nous a quittés
Les cons n'arrêtent pas de voler
Les autres de les regarder
Lui aussi nous a quittés.
Pour rester fidèle à sa mémoire nous devons nous battre pour faire respecter notre histoire.
Mireille RIVAT