Les dangers de l'ANI pour les artistes interprètes

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Article paru dans Plateaux n°212 - 1er trimestre 2013

L’ANI « flexi-sécurité » du 11 janvier :

Flexibilité pour les grands patrons, insécurité pour tous les travailleurs !

 

De nombreux articles ont déjà pointé les dangers et les insuffisances de « l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés » (sic !). Le code du travail et le contrat lui-même volent en éclats, au seul bénéfice des entreprises. La patience du MEDEF a apparemment payé, et, encore une fois, la CFDT est son partenaire fidèle. Au moment où nous mettons sous presse, la transposition législative du texte n’est toujours pas complète, mais il nous semblait utile de souligner plusieurs dispositions prévues dans l’accord qui pourraient avoir des effets directs ou induits sur les artistes interprètes, même celles et ceux travaillant par intermittence, à priori peu susceptibles d’être frappés par un licenciement économique, et encore moins par un plan social...

 

Un titre de l’accord se nomme « rationaliser les procédures de contentieux judiciaire », ce qui veut dire, par exemple, éviter que des « irrégularités de forme » dans les décisions patronales envers leurs salariés soient « assimilées à des irrégularités de fond ». Par ailleurs, en cas de contestation d’un licenciement, des indemnités forfaitaires, assez minimes, pourront être proposées par l’employeur présumé fautif pour dédommager le salarié licencié, qui n’aurait peut-être pas la possibilité d’attendre les mois ou les années qu’il faut pour qu’un jugement définitif soit rendu dans une affaire portée devant le conseil des prud’hommes. Le délai de recours pour contester les conditions d’exécution ou de rupture du contrat de travail est ramené de cinq ans à deux ans, et pour un litige salarial, de cinq ans à trois ans ! (Pour les licenciements économiques, le délai de saisine est même ramené de cinq ans à douze mois…)

 

Le seule raison de cette « rationalisation » est de toute évidence la volonté de durcir les conditions de recours des salariés contre les injustices patronales ; les artistes aussi peuvent devenir les victimes de cette torsion faite à une justice équitable.

L’accord prévoit également que les accords de branche ne pourraient plus désigner le fournisseur d’une complémentaire santé : chaque entreprise pourrait choisir individuellement l’assureur qu’elle souhaite pour fournir la couverture de ses salariés. Des accords comme celui que nous avons obtenu pour les artistes et techniciens intermittents, où AUDIENS est désigné comme opérateur, pourraient devenir impossible ! à priori, le projet de loi n’a pas repris cet élément de l’accord, mais les signataires de l’ANI, à l’heure qu’il est, n’ont pas dit leur dernier mot… Et les sociétés d’assurance sont tout vent debout !

 

La fameuse portabilité des droits d’assurance chômage dont les signataires et le gouvernement se glosent n’est que le rétablissement de la possibilité de bénéficier des reliquats de droits précédemment ouverts. Mais cette facilité est restaurée « à périmètre constant », c’est-à-dire, sans financement supplémentaire, ce qui implique qu’il est sans doute prévu de baisser les droits de tous les allocataires pour distribuer autrement les indemnités ! Comme tous les candidats à la présidence du MEDEF se prononcent pour une refonte radicale du système d’assurance chômage, en désignant les annexes spectacle comme les premières cibles de leur volonté destructrice, les professionnels du spectacle auront intérêt à se préparer à un automne de lutte !

 

Ce ne sont que quelques éléments d’un accord qui sape les droits des travailleurs les plus précaires, et qui risque de fragiliser la validité des contrats et des accords collectifs dans de nombreux secteurs, dont le spectacle vivant, le cinéma, l’audiovisuel et l’édition phonographique.

Jimmy Shuman