Depuis plusieurs mois le Syndicat français des artistes interprètes (SFA-CGT) et le Syndicat national des artistes musiciens (SNAM-CGT) participent à l’élaboration d’un article sur les pratiques artistiques en amateur dans le cadre du projet de loi sur la création artistique, que le gouvernement prévoit de soumettre au parlement en 2014. Cette réflexion les a conduits à faire des propositions très concrètes, permettant à la fois de respecter la législation et la présomption de salariat des artistes interprètes et de favoriser l’exposition des pratiques artistiques en amateur.
Nous ne souhaitons en aucun cas limiter ces pratiques, bien au contraire, mais nous contestons vigoureusement l’utilisation abusive de celles-ci dans des programmations commerciales de certains lieux professionnels, y compris labellisés. Le travail dissimulé dans le spectacle vivant ne cesse de progresser du fait de l’utilisation d’« amateurs bénévoles » dans des spectacles professionnels dont l’exploitation commerciale n’est pas à démontrer.
Pour « clarifier » cette situation, le ministère de la culture et de la communication entend tout simplement légaliser ces pratiques jusqu’ici illégales dans une nouvelle version du projet de loi sur la création artistique. De façon on ne peut plus cynique, il introduit ces disposition dans un titre intitulé : « Préserver la diversité culturelle » (sic) !
Le 4 février dernier, lors d’une réunion organisée par les services du ministère et alors que toutes les organisations syndicales de salariés présentes dénonçaient à l’unanimité une attaque sans précédent contre la présomption de salariat des artistes interprètes, le directeur général de la création artistique a avoué que le but recherché était d’ouvrir le monde professionnel aux amateurs, sans que la participation bénévole de ceux-ci à des spectacles professionnels faisant l’objet d’une exploitation commerciale puisse être qualifiée de travail illégal. « Le monde a changé » a-t-il lâché pour justifier l’inacceptable !
Alors même qu’à l’origine, le projet de loi d’orientation pour la création artistique devait permettre de promouvoir l’emploi pérenne et permanent des artistes, le projet a non seulement supprimé toute référence à l’emploi artistique mais il entend fragiliser toujours plus leur statut social. Voici l’application par la ministre de la culture du « tournant libéral » du Président de la République !
Sans la présomption de salariat, les artistes interprètes sont privés de leurs droits sociaux les plus élémentaires : la sécurité sociale, la formation professionnelle, l’assurance chômage, la retraite, etc.
Les organisations d’employeurs ne sont pas indemnes de critiques à ce sujet. Elles ont semblé cautionner les nouvelles propositions du ministère. Tel qu’il est écrit, le projet de loi permettrait aux employeurs, sous couvert de n’importe quelle mission d’accompagnement qu’ils se seront adjugée, de choisir qui sera professionnel salarié et qui sera amateur bénévole. Cela reviendrait en fait à la création en creux d’une carte professionnelle (à laquelle nous nous sommes toujours opposés), délivrée de surcroît par les patrons.
Le SFA-CGT et le SNAM-CGT entendent continuer de défendre leurs propositions et prennent l'initiative de rencontrer toutes les organisations et associations qui tiennent à promouvoir les pratiques en amateur sans quelles ne soient causes de concurrences déloyales, voire d’esclavagisme et de remise en cause de la présomption de salariat. Nous pensons qu'une proposition commune de bon sens et d'avenir est encore possible.
Ce gouvernement n’agit qu’en fonction de ses craintes. Il est prêt à donner satisfaction aux plus réactionnaires, à tous ceux qui seraient capables de descendre dans la rue pour tâcher d’imposer des politiques en régression et des mesures sociales les plus rétrogrades que nous ayons connues depuis Vichy. Il l’a tout récemment prouvé dans d’autres secteurs et c’est ce qu’il est en train de faire dans le monde de la culture face à la peur que lui inspirent la direction du Puy du Fou et les associations bretonnes, qui remettent systématiquement en cause le code du travail. Ce gouvernement n’est plus à gauche, bien au contraire, et il va au rebours de l’Histoire !!!
Le SFA et le SNAM appellent l’ensemble des artistes interprètes, quelle que soit leur discipline artistique, à rejoindre les différentes Marches pour la culture qui s’organisent à Paris et en régions le 10 février 2014 et toutes les initiatives qu’ils organiseront pour faire pièce aux dispositions scélérates d’une loi qui devrait au contraire leur assurer reconnaissance, légitimité, et leur rendre toute leur dignité à la veille de la renégociation de leur régime d’assurance chômage.
6 février 2014