Texte lu au nom des 70 organisations appelant à la soirée la Culture Contre le Front National

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3 Mai 2017

Bonsoir,

Au nom des 70 organisations qui vous ont appelés à vous rassembler ce soir, je suis chargé(e) de vous dire quelques mots avant d’ouvrir cette soirée :

Merci d’avoir répondu à notre appel.

Merci d’être là, merci d’être ensemble.

Nous voulons célébrer ce soir ce que l’art et la culture permettent de précieux et de fragile : rassembler des citoyens qui ne sont pas forcément d’accord sur tout, pour dépasser ce qui divise, pour partager avec l'autre, celui et celle que l'on ne connaît pas. C’est cela le commun qu’inventent les arts.

Certains pensent que notre république est en panne, mais c’est notre république.

Certains pensent que la démocratie est en difficulté, mais c’est notre démocratie.

Certains pensent que notre société n’a plus de projet, mais c’est à nous de l’écrire, encore et encore…

Nous sommes réunis parce que le moment l’exige. Nous vivons une période dangereuse. Elle est marquée par les dérives populistes, obscurantistes, le rejet de l'autre, la mise en concurrence des peuples, qui divisent et fragmentent nos sociétés.

Comme le disait déjà Victor Hugo : « Quoi ! Pour que les griefs, pour que les catastrophes, les problèmes, l'angoisse et les convulsions s'en aillent, suffit-il que nous les expulsions ? Quoi ! Les destins sont clos, disparus, accomplis, avec ce que la vague emporte dans ces plis ! Ouvrir à deux battants la porte de l'abîme, y pousser au hasard l'innocence et le crime, tout le bien et le mal confusément puni, refermer l'océan et dire c'est fini ! »

Nous ne pouvons pas lâcher prise. Pas maintenant. Il n'y a pas de fatalité.

Au bout du compte, quelle est la question ? Nous avons entre les mains un choix simple et grave.

Le Front national est aux portes du pouvoir. Il gouverne déjà de nombreuses villes : Béziers, Fréjus, Hayange, Cogolin, Beaucaire, Villers Cotterêts, le Luc, le Pontet, Hénin Beaumont, Camaret-sur-Aigues, Orange, Bollène, Mantes la Ville et le 7ème secteur de Marseille… Il participe à de nombreux Conseils municipaux, départementaux et régionaux, il est largement représenté au Parlement européen. Alors demain, il gouvernerait la République ?

Personne ne peut ignorer son programme. Il a le mérite d’être clair. C’est un projet qui cultive la peur de l’autre, le repli sur soi, le seul amour d’une identité nationale, régionale, locale. C’est un projet qui renvoie au plus médiocre de chacun d’entre nous, et qui prône l’expulsion des peuples et des minorités érigés en bouc émissaires de toutes les difficultés. Ce parti représente un danger pour la République : il nous isole et nous divise au lieu de nous réunir.

Son programme pour les arts et la culture est tout aussi simple. Il est centré sur le patrimoine, la défiance du contemporain, du vivant, de l’international, de l’universel. Il nous parle d’un art figé, serti dans une seule langue, sanglé par un ordre moral d’un autre âge. C’est un programme qui a peur des libertés que prennent les artistes et les citoyens quand ils se rassemblent pour partager une émotion, une pensée, un imaginaire.

Il est brutal, nous le savons. Nous en avons déjà fait l’expérience. Des œuvres ont été censurées, déprogrammées, détruites. Des artistes et des auteurs ont été attaqués, des lieux publics et des organisations syndicales, associatives et professionnelles le sont parfois.

Nous aussi nous aimons le patrimoine, pour nous inscrire dans une histoire des arts pleine d’avenir, et que nous voulons continuer d’écrire. Nous aussi nous aimons ce pays, mais nous savons que depuis toujours les arts, les œuvres et les artistes ne connaissent pas de frontières. Nous aimons ce pays parce qu’après la deuxième guerre, alors que les régimes fascistes avaient asservi l’art partout en Europe, notre république a eu le courage d’une politique nationale des arts et de la culture pour le plus grand nombre.

Cela nous donne une responsabilité. Nous devons défendre les libertés des citoyens de se réunir par les arts et la culture. Nous devons défendre une culture de la diversité, du partage, de l’épanouissement. Nous devons défendre les auteurs, les artistes, les interprètes de leurs œuvres et du monde. Nous devons défendre des arts qui ne nous laissent pas tranquilles, qui nous permettent de nous élever, de nous émouvoir et de penser, de devenir toujours un peu plus humains.

Nous devons faire corps pour défendre la liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcité, la démocratie.

Arrivée au pouvoir par les urnes, l'extrême droite aurait vite fait de museler tout ce qui nous fait vivre ensemble.

Nous appelons nos concitoyens à aller voter le 7 mai prochain.

Nous appelons à voter pour faire barrage au Front National.

Merci encore d’être là. Bonne soirée à toutes et à tous.