Article paru dans Plateaux n°204 - 1er trimestre 2011
Echos de la journée du 18 janvier 2011
Les occasions de pouvoir échanger avec les artistes de musiques actuelles sur des lieux de concert ne sont pas fréquentes. Pourtant, il est indispensable de débattre de nos pratiques et de nos conditions de travail. C’est pour cette raison que le SFA a organisé une rencontre le 18 janvier 2011 dans un lieu récemment ouvert et dédié entre autres aux nouveaux artistes : le centre musical Fleury Goutte d’Or–Barbara dans le 18e arrondissement de Paris.
Cette journée visait à dresser un état des lieux et à faire émerger des problématiques souvent connues mais parfois sous-estimées par nos organisations syndicales.
Une soixantaine de personnes avaient répondu présent à notre invitation pour débattre ensemble sur un métier qui n’en finit pas de s’émietter.
Premier temps de la rencontre
« L’action du SFA »
Interventions de Jimmy Shuman, Denys Fouqueray, Jérôme Savy Daniel Muringer, Mireille Rivat (artistes et membres du SFA).
Chacun prend soin de rappeler que le SFA intervient non seulement pour veiller à l’application effective des droits, mais également pour agir en amont afin d’en faire valoir de nouveaux. Les intervenants réaffirment qu’une organisation professionnelle comme le SFA, participe à la structuration de nos métiers au regard notamment du droit du travail et de la propriété intellectuelle. Il donne aux artistes un certain nombre de connaissances sur leurs droits en matière de protections sociales ainsi que des repères propres à leur statut de salariés : rappel des obligations patronales d'inclure dans le contrat de travail les apports contenus dans les différentes conventions collectives, accords spécifiques et autre décret portant sur la propriété intellectuelle.
A l’issue des échanges, est apparu ce constat :
- Les musiciens chanteurs sont trop souvent isolés.
- Dans leur secteur d’activité, la pratique amateur est très développée et fait trop souvent gravement concurrence aux artistes professionnels.
- Les artistes se forment souvent sur le tas et découvrent leurs droits au fur et à mesure des concerts.
- Beaucoup exercent plusieurs métiers et diverses disciplines (danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens, techniciens), polyvalence qui souligne l'intermittence des contrats et en stigmatise la précarité.
Bref, c’est bien l’artiste qui est au cœur de l’économie de la culture…
Au cours du débat nous avons pu remarquer la lucidité des participants qui connaissent les tenants et aboutissants de leur métier. Mais s’ils savent qu’ils ont des droits, souvent ils ne savent pas comment les faire respecter sans s’exposer au risque de l’exclusion ?
Un artiste témoigne ici de l’efficacité du syndicat à propos d’un conflit qu’il a eu avec un théâtre. Une chanteuse intervient au regard de sa situation pour connaître sa marge de manœuvre concernant son contrat de coproduction avec un théâtre.
Beaucoup soulignent que, s’ils connaissent mal le rôle du syndicat, ils perçoivent cependant que grâce à lui, et à l’occasion de recours juridiques ponctuels, des avancées peuvent s’obtenir qui auront des répercussions pour l’ensemble de la profession.
Deuxième temps
« Que faire pour intervenir sur les lieux qui cassent l’emploi ? Les bars, par exemple ! » Marc Slyper, secrétaire général du Syndicat national des artistes musiciens (SNAM) et Jean Léger artiste et membre du SFA.
La création d’un dispositif permettant d’agir sur le financement des aides à l’emploi des artistes par une intervention économique directe est un projet lancé il y a plus de deux ans.
Il devrait s'officialiser à la fin du mois de mars 2011 avec la mise en place d’un fonds de dotation permettant d’intervenir au titre de l’intérêt général en associant à la fois les brasseurs et débiteurs de boissons, les collectivités territoriales et les syndicats d’artistes.
Ce fonds permettrait de prendre en charge une partie des cotisations sociales en fonction du nombre d’artistes sur scène. A ce fonds de dotation, viendrait s’ajouter un protocole dit de « bonnes conduites » signé avec le syndicat représentatif des hôtels, bars, cafés, restaurants pour faire preuve de la volonté de réguler la pratique amateur. Ce protocole sera également validé par la direction générale du travail.
Troisième temps de cette journée
« Rôles des organismes professionnels et réseaux »
Michel Joubert, artiste et membre SFA ; Clément Praud, du réseau des musiques actuelles à Paris ; Gilles Castagnac, directeur de l’IRMA ; Jean-François Dutertre, délégué général de l’ADAMI.
Michel JOUBERT affirme en introduction que l’engagement syndical n’empêche pas de développer sa carrière. C’est une façon de mieux connaître sa profession avec tous ses paramètres, une façon d’être acteur et partenaire de sa filière d’activité, et de peser sur des décisions pouvant bénéficier à la profession tout entière.
Clément Praud explique que le réseau des musiques actuelles à Paris, jeune réseau qui regroupe de petites et moyennes structures, est un mouvement apparu dans les années 80 pour mutualiser les lieux de diffusion,(communication, programmation, tournées….). Le passage à Paris demeurant important, voire incontournable pour les artistes de ce secteur, le réseau fait un travail en direction de la région Île-de-France pour faire valoir des projets et faciliter la circulation des artistes entre les départements.
L’IRMA, explique Gilles Castagnac, regroupe le CIJ (Centre d’information du jazz), le CIMT (Centre d’information des musiques traditionnelles et du monde), le CIR (Centre d’information rock, chanson, hip-hop, musiques électroniques).
C’est un organisme ouvert à tous les acteurs des musiques actuelles pour leur information, leur orientation, leur conseil ou leur formation. Interface entre toutes les composantes du monde de la musique, il constitue un réseau de soixante-six correspondants français et européens. Il propose :
- une base de données constamment réactualisée de près de cinquante mille contacts, disponible en ligne, pour la partie française, sur le site repertoire.irma.asso.fr et, par abonnement, avec des fonctions de recherche multicritères et d’édition de listes, sur lesite de L’Officiel de la Musique, woffi.com.
- une librairie spécialisée où l’on peut trouver plusieurs centaines d’ouvrages liés au secteur (législation, technique, politiques et management culturels, musicologie, etc.),
Jean-François Dutertre explique et éclaircit ce que représente le droit des artistes interprètes. C’est l’occasion d’évoquer comment le Syndicat national des acteurs (SNA), devenu le SFA, est à l’origine de la création de l’ADAMI en 1955. Avec la loi de 1985, l’ADAMI devient une société civile. Les syndicats n’étant pas habilités à gérer des droits, la société sera l’outil de gestion créé pour cela. Une œuvre sera désormais reliée à un, une, ou des interprètes.
Le code de la propriété intellectuelle est consacré aux droits de l'auteur et du compositeur sur ses œuvres, mais aussi aux droits de l'interprète sur des interprétations enregistrées. Le droit d’auteur est une histoire ancienne, mais le nouveau droit des interprètes doit être consolidé avec l’apparition des nouvelles technologies !
L’ADAMI collecte et redistribue l’argent aux artistes, et une partie des sommes collectées sur la copie privée (25%) et les non répartissables de la rémunération équitable vont aux aides d’intérêt général. Elle intervient à l’étranger au nom de l’artiste pour collecter des droits, mais uniquement pour les artistes interprètes associés de l’ADAMI.
Aux diverses questions posées, Jean-François Dutertre rappelle l’importance de l’adhésion, et de la participation de nouveaux associés à la vie d’une société de gestion qui doit développer de nouveaux droits, notamment sur les nouveaux médias. Aujourd’hui L’ADAMI compte plus de 24 000 associés.
La journée se termine avec un souhait de la part des participants : Prolonger cette initiative par l'organisation de journées plus spécialisées. Cette rencontre s’est avérée non seulement utile pour le « moral des troupes », mais elle a démontré l’importance de l’échange. Notre travail de fourmi a donné une conscience et une résonance au mot professionnel. Le renouvellement de cette opération y compris dans d’autres régions est nécessaire pour rencontrer régulièrement les artistes non-syndiqués et débattre avec eux de dossiers particuliers et de thèmes plus spécifiques.
CPI : code de la propriété intellectuelle
ENCADRE
Droit exclusif moyennant rémunération : c’est le cœur des droits. Concernant les artistes interprètes relevant de l’ADAMI, ce droit se matérialise par les redevances concédées dans les contrats avec les producteurs. Si l’ADAMI ne gère pas pour l’instant ces rémunérations, elle devrait être amenée à gérer les dispositifs concernant le webcasting.
La rémunération équitable : C'est la redevance que doivent acquitter les radios, les télévisions, les discothèques et les lieux sonorisés utilisant des phonogrammes du commerce lors d'une diffusion publique. La rémunération équitable est mentionnée à l'alinéa 2 de l'article L214-1 du code de la propriété intellectuelle. Elle concerne les artistes interprètes et producteurs de phonogrammes qui se voient, comme les auteurs, accorder une rémunération lors de la diffusion publique d'un phonogramme auquel ils sont associés. En croissance, elle pourrait devenir un des droits majeurs.
Elle est appelée équitable parce que le montant de la redevance acquittée par le diffuseur est réparti par moitié entre les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes
La rémunération pour copie privée sonore est mentionnée aux articles L311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Elle concerne les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes auxquels est accordée une rémunération en compensation des exceptions aux droits patrimoniaux prévues aux articles L. 122-5 et L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle. Pour ce qui concerne la copie sonore et audiovisuelle, cette rémunération forfaitaire est acquittée par les fabricants de supports vierges.
Mireille RIVAT
Olivier CLEMENT