Article paru dans Plateaux n°206 - 3ème trimestre 2011
Depuis toujours, le SFA dénonce les atteintes à la liberté d’expression des artistes, et particulièrement celle des artistes interprètes. Début 2010, nous nous sommes trouvés à côté de l’Observatoire de la liberté de création en train de protester contre l’attaque dont fut victime une comédienne et auteure algérienne en raison du contenu de la pièce qu’elle jouait à Paris. Il nous a semblé alors naturel et utile de nous inscrire comme membre de cet Observatoire. Agnès Tricoire est avocate au barreau de Paris, spécialiste en propriété intellectuelle et déléguée à l’Observatoire de la liberté de création. Nous lui avons posé quelques questions, afin de présenter le travail de l’Observatoire.
L’Observatoire a été créé en 2003, à l’issue de quoi et à l’initiative de qui ?
Agnès Tricoire : C’est la Ligue des droits de l’Homme, dont je fais partie, sous la présidence de Michel Tubiana, qui a eu l’initiative de la création de l’Observatoire. Nous nous inquiétions de la recrudescence des cas de censure dans l’art contemporain, dans la littérature, et avec nos premiers partenaires, la FRAAP, et l’AICA, nous avons décidé de mutualiser la réflexion et l’action.
Quels en sont les principes fondateurs ?
A.T. : Intervenir dès lors que la liberté de création est menacée, quel que soit le genre artistique dans lequel elle sévit. Nous avons répertorié les différentes lois s’appliquant aux œuvres, entre censure administrative et répression pénale, et publié un manifeste (http://www.ldh-france.org/-Le-Manifeste-) qui est toujours notre charte, dans la presse, en 2003. Nous demandons que la loi soit modifiée, or depuis lors elle n’a cessé d’être durcie, notamment au cinéma où la censure se fait selon des critères particulièrement subjectifs. Nous défendons l’idée que la liberté dans une œuvre de fiction doit être plus grande que dans le discours direct : un sérial killer de roman n’est pas un vrai sérial killer, ce que le public sait très bien…
Quelles sont les formes les plus récurrentes d’atteintes à la liberté d’expression en matière de création?
A.T. :J’en distinguerai trois types :
1. Les poursuites au nom du nouvel ordre moral que constitue la prétendue défense de l’enfance se sont particulièrement durcies, et elles trouvent une oreille très attentive chez nos gouvernants, de droite comme de gauche,
2. les demandes de censure en raison de l’histoire (les nostalgiques de l’Algérie française sont encore très actifs, rappelez vous de la sortie du film Hors la loi de Bouchareb par exemple),
3. - les demandes religieuses : entre les poursuites contre les caricatures de Mahomet et les demandes d’associations catholiques de plus en plus violentes, j’évoque ici la destruction de l’œuvre d’Andres Serrano à Avignon, passage à l’acte inadmissible, le climat est délétère. Bien sûr, il y a aussi des personnes éclairées, partout, mais elles font moins de bruit…
Qui compose aujourd’hui l’Observatoire ?
A.T. : Le monde des lettres est représenté par la SGDL, celui du cinéma par l’ACID, l’ARP, la SRF et L’UGS, les critiques d’art avec l’AICA, les arts plastiques avec le CIPAC, la FRAAP et le SNAP CGT, les artistes interprètes par le SFA et l’éducation populaire par la Ligue de l’enseignement.
Propos recueillis par Olivier CLEMENT
FRAAP : Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens
AICA : Association internationale des critiques d’art
SDGL : Société des gens de lettres
ACID : Association du cinéma indépendant pour sa diffusion
ARP : Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs
SRF : Société des réalisateurs de films
UGS : Union guilde des scénaristes
CIPAC : Fédération des professionnels de l’art contemporain
SNAP CGT : Syndicat national des artistes plasticiens
Dernier ouvrage d’Agnès Tricoire : Petit traité de la liberté de création, Éd. La Découverte, coll. Cahiers libres, mars 2011, 300 pages)