Plusieurs artistes non encore retraités ont contacté le SFA depuis la fin 2011 pour s’inquiéter de nouvelles qu’ils avaient reçues de leurs conseillers de la caisse des allocations vieillesse. Ils étaient informés que les pensions auxquelles ils pensaient avoir droit allaient être réduites à cause d’un nouveau règlement applicable à celles et ceux liquidant leur retraite à partir du 1er janvier 2012.
Il s’agit du plafonnement du minimum contributif, décidé dans la loi du financement de la sécurité sociale de 2009, pour application à compter de 2012.
Le minimum contributif (actuellement de 608,15
euros) est le plancher de la pension de base sécurité sociale pour
une retraite à taux plein. Il peut être majoré (à 664,54) sous
certaines conditions. Il sera réduit proportionnellement si le
retraité n’a pas effectué le maximum de trimestres normalement
requis au moment de la liquidation de sa retraite. Si la pension du
retraité n’atteint bas ce plancher, une contribution solidaire la
portera à ce niveau. Il a été instauré en 1983, surtout pour
aider les travailleurs ayant effectué des carrières plutôt
complètes, mais avec des rémunérations faibles. Les majorations
ont été instituées en 2004.
Depuis sa création, ce minimum n’a fait référence qu’aux seuls régimes de base (le régime général des travailleurs salariés, le régime des travailleurs agricole, etc.) et ne prenait pas en compte les retraites complémentaires. Mais en 2007, le COR (Conseil d’orientation des retraites), reprenant des travaux de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère du travail, a commencé à se demander si le « ciblage » d’origine (carrières longues, salaires faibles) était toujours respecté, puisque depuis 1983 les possibilités pour obtenir des validations « gratuites » de trimestres avaient accru. Par ailleurs, dans certains cas, pour des personnes relevant de plusieurs régimes différents, l’étude des minima semble avoir été faite régime par régime. Un rapport de la Cour des comptes en 2008 reprenait cette observation.
La loi du financement de la sécurité sociale de 2009 a donc décidé de deux changements majeurs, qui ont finalement été prévus par le décret d’application du 14 mars 2011, les mettant en œuvre à compter du 1er janvier 2012.
La première modification rend impossible le service du minimum contributif si toutes les pensions de base auxquelles la personne pourrait éventuellement prétendre n’ont pas été liquidées.
Le deuxième changement, qui est certainement celui qui affecte davantage d’artistes interprètes, soumet le niveau du minimum contributif à un seuil de ressources, prenant en compte les régimes de base et les régimes complémentaire. Ainsi, le minimum contributif sera écrêté si le cumul des pensions dépasse un plafond fixé actuellement à 1 005 euros. Autrement dit, le service de ce minimum ne peut porter la hauteur de la pension totale (sécurité sociale et AUDIENS) à plus de 1 005 euros.
Cette disposition n’est pas rétroactive. Elle ne s’applique qu’aux personnes liquidant leurs pensions à partir du 1er janvier 2012.
Il est vraisemblable que de nombreux artistes interprètes (probablement une majorité de femmes, mais pas seulement) soient affectés par cette mesure : les salaires dans le spectacle ne sont pas élevés pour la plupart des artistes ; trop de personnes acceptent encore de ne cotiser que sur 80% ou 75% de leurs salaires bruts (ou ne remarquent même pas quand leurs employeurs appliquent l’abattement sans demander la permission) ; ces salaires sont assujettis au plafond journalier plutôt qu’au plafond annuel de la sécurité sociale pour les cotisations (le SFA s’insurge depuis des décennies contre cette disposition) ; les périodes de travail sont hachées et il y a pas suffisamment d’emploi. Certains pouvaient bénéficier d’un « coup de pouce » substantiel à leur retraite de base grâce au plancher fixe. La nouvelle pratique crée un sérieux effet de seuil désavantageux pour les artistes qui sont loin d’être des nantis.
Il n’est pas évident que le gouvernement issu des élections de juin 2012 aura à cœur de revenir sur ces modifications, mais tous les artistes ont intérêt à interpeller leurs élus et les candidats à la députation sur le sujet.
Jimmy SHUMAN