Nos peines: Claude Vinci

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Mon cher Claude

On s’est rencontré en 1961 dans je ne sais plus quel cabaret de la rive gauche où tu chantais toi aussi. J’habitais à Montmartre et j’ai eu la surprise de recevoir le « Moudjahidine », journal du FLN. Qui me l’envoyait ? J’allais à toutes les manifs contre la guerre d’Algérie et je ne te connaissais pas vraiment. Je savais que tu travaillais chez un antiquaire de la rue du Faubourg Saint Honoré et le tampon de la poste semblait te dénoncer. Alors, tout simplement, je t’ai demandé : « C’est toi qui m’envoies le Moudjahidine ? », « Comment le sais-tu ? », « Tu es imprudent, il suffit de regarder le tampon ». Enfin en trois minutes, tu m’as dit « Est-ce que tu peux héberger un camarade, une ou deux nuits, par-ci par là ». On avait un tout petit appartement – "Bon, d’accord". Notre voisin de palier était flic… Et les jeunes qui sortaient de taule ou que tu avais aidés à s’évader, écoutaient la radio et la musique arabe à plein tube. Nous avons eu quelques angoisses avec mon mari. Tu passais de temps en temps, nous changer de locataire. Bref à partir de ces moments étonnants où tu nous parlais de ta désertion, de la prison…Je t'ai vu autrement. Tant de courage émanait de toi, avec tranquillité et sincérité ! Nous avons toujours été ensemble, du même côté, poing levé.

Cher Claude, les bagarres syndicales, après cela, avec Mireille Rivat, Martine Sarri, Catherine Ribeiro, Marc Ogeret, pour que vive la chanson, celle que nous aimions, les piquets de grève. On en a eu des émotions. Tu ne t’es pas assagi. Que tu sois malade, je ne le croyais pas. Au téléphone, voix paisible, sereine. Tu aurais donné du courage à un désespéré. Tu as bien vécu.

Je te salue, je t’embrasse et MERCI !

Francesca SOLLEVILLE