Le Syndicat français des artistes-interprètes (SFA) condamne les actes de censure, les pressions et les discriminations que le Café de la Danse fait subir aux artistes au nom de la neutralité et de la paix.
Le 15 octobre 2024, l’artiste palestinien Bashar Murad a été programmé en première partie de l’artiste suisse et algérienne Flèche Love au Café de la Danse, salle de spectacle parisienne, dans le cadre du festival « Villes des musiques du monde » (évènement parrainné par la ville de Paris, le ministère de la culture, le Centre national de la musique, parmi d’autres).
Le jour du concert, la salle a signifié aux artistes que la présence de Bashar Murad, pourtant prévue depuis des mois, les « inquiétait ». Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, Flèche Love fait part de menaces reçues de la part de la salle; les artistes ont été informé·es que le concert serait particulièrement surveillé et que la soirée serait interrompue à la moindre évocation de la situation en Palestine.
Le 17 octobre, le Café de la Danse a publié à son tour un communiqué annonçant sa décision de refuser tout simplement d’accueillir à l’avenir les artistes israéliens et palestiniens. Dans ce communiqué, il est également rappelé que « [les] contrats de location de salle contiennent depuis plusieurs mois, une clause interdisant toute manifestation politique, drapeaux ou symboles sur scène de quelque pays que ce soit ».
Ceci constitue une atteinte à la liberté d’expression et de création, c’est de la censure.
La liberté d’expression et de création sont toutes deux limitées par un cadre légal. L’incitation à la haine, par exemple, est un délit et peut justifier la déprogrammation voire l’interruption d’un spectacle. Mais ces libertés, dans la mesure où elles respectent le cadre légal, sont également protégées et défendues.
Le Café de la Danse a non seulement brandi la menace de censurer le spectacle, mais a également usé de pressions pour pousser les artistes à l’autocensure.
Une clause interdisant toute manifestation politique laisse la place à la censure la plus arbitraire.
C’est au nom de la neutralité et pour s’opposer à une prétendue propagande LGBTQIA+ qu’une loi discriminante a été adoptée en 2021 en Hongrie. Autre exemple : Le régime tchétchène, sous administration Russe, censure, depuis cet été, toute musique dont le rythme ne se situe pas entre 80 et 116 bpm, visant des genres musicaux auxquels s’identifierait une partie des communautés homosexuelles.
Dans son communiqué, le Café de la Danse revendique être un lieu « strictement culturel ». S’agirait-il donc d’exclure du champ de la culture toute œuvre qui contiendrait un drapeau ou qui ferait référence à un conflit politique? Et même d’en exclure tout simplement tout·e artiste d’origine israélienne ou palestinienne? Les artistes et les œuvres sont diverses et cette diversité doit être encouragée et protégée. Un lieu est libre d’élaborer sa ligne et de programmer selon ses goûts, mais il n’a aucune autorité pour juger ce qui relève ou non du champ « strictement culturel ». Cette distinction ne peut d’autant moins être établie à partir de la simple origine d’un artiste, en l’occurrence israélienne ou palestinienne.
Selon le Café de la Danse, la performance de Bashar Murad, de part l’origine de l’artiste, méritait une surveillance particulière.
Traiter différemment un individu en raison de son origine, de sa nationalité, de son apparence c’est de la discrimination.
Le SFA apporte tout son soutien à l’ensemble des artistes concerné.es par ces intimidations, chantages, et déprogrammations.
- Nous refusons que le pacifisme soit détourné ainsi de sa signification et serve à justifier de tels actes.
- Nous refusons qu’en France aujourd’hui des artistes soient victime de censure, et de discriminations.
- Nous exigeons que la Mairie de Paris, partenaire de l’évènement, s’exprime publiquement en faveur des artistes déprogrammés et qu’elle mette tout en œuvre pour permettre au spectacle d’exister.
Paris, le 23 octobre 2024