Questions à Jean Voirin, secrétaire général de la Fédération du spectacle, vice-président de l’AFDAS

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Article paru dans Plateaux n°203 - 4ème trimestre 2010

 

 

Plateaux : Depuis deux ans la demande de formation des intermittents du spectacle est en très forte augmentation (+ 37 %). A quoi est-ce dû ? Pour combler un vide face au manque d’emploi ? La demande est-elle encore plus sensible chez les artistes interprètes ?

 

Jean Voirin : La hausse est globale, pour les salariés intermittents comme pour les permanents. Elle tient en partie aux évolutions technologiques : le passage au numérique, par exemple, requiert des besoins de formation aussi bien dans l’audiovisuel que dans le spectacle vivant. D’autre part le dispositif de formation professionnelle continue s’est enrichi depuis 2005 d’un nouveau régime : le droit individuel à la formation (DIF).  Le cumul des heures au titre du DIF a multiplié les actions de formation.

S’agissant des intermittents du spectacle, qui entrent en formation entre deux contrats de travail, la hausse est évidemment liée à la structure de l’emploi : plus les périodes de chômage sont longues et répétées, plus il y a de demandes de formation. Le régime spécifique d’assurance chômage des salariés intermittents qui avec la réforme de juin 2003 n’a rien professionnalisé mais a au contraire fortement précarisé ces salariés, comprend une disposition selon laquelle le congé individuel de formation (CIF) est pris en compte pour la recherche des 507 heures (ou l’équivalent cachets).

Il y a donc un ensemble d’éléments qui explique cette augmentation. Mais à coup sûr la dégradation de la situation de l’emploi et de la durée des contrats de travail est l’explication principale. Ceci est  encore plus vrai pour les artistes qui en moyenne ont des contrats plus courts que les techniciens.

 

Plateaux : Parmi les nouveautés de la loi de novembre 2009, le CIF devient possible hors du temps de travail. Quelle incidence pour nous ?

 

J. V. : Le congé individuel de formation (CIF) est actuellement le plus coûteux des dispositifs de formation puisque l’AFDAS verse un salaire de substitution. Maintenant qu’il est possible de ne plus l’assimiler à un contrat de travail, et donc de ne plus verser la rémunération afférente, le risque est gros de voir les employeurs se limiter à la prise en charge du seul coût pédagogique. Autre conséquence, ces périodes ne généreront plus de droits pour l’assurance chômage.

 

Plateaux : Le prélèvement obligatoire qui finance le FPSPP sera-t-il appliqué pour les intermittents ? Seront-ils bénéficiaires du fonds ?

 

J. V. : L’objet de ce fonds  interprofessionnel vise au financement d’actions de formation des salariés ou des demandeurs d’emploi qui alternent fréquemment des périodes de travail et des périodes de chômage. Tel est le cas des intermittents du spectacle qui sont gérés par l’AFDAS. Nous contestons le dernier courrier du 6 septembre de la DGEFP selon lequel les intermittents du spectacle seraient visés par la loi. En effet en 1992, nous avons obtenu l’inscription dans le code du travail d’une cotisation unique pour les intermittents qui ne tient pas compte de l’effectif de l’entreprise. Or, la nouvelle loi ne vise pas expressément cet article. Et les pouvoirs publics sont incapables de fixer les taux applicables aux intermittents selon la taille des entreprises. L’enjeu est important  puisqu’il représente 3 millions d’Euros par an. Avec l’effet rétroactif pour 2009, si les pouvoirs publics en restaient là, ce sont 6 millions qu’il faudrait verser alors qu’on est déjà en difficulté pour répondre aux demandes.

 

Plateaux : La ponction de 13 % a-t-elle été provisionnée ?

 

J. V. : Oui pour 2009, mais nous ne l’avons toujours pas versée. Nous attendons la réponse écrite de la DGEFP. Par ailleurs, nous avons demandé un recours gracieux au ministre compétent. Il faut préciser que nous ne demandons actuellement rien au FPSPP au titre des intermittents du spectacle puisque nous n’y contribuons pas. Bien évidemment, si nous devions en définitive l’alimenter, nous demanderions à bénéficier de celui-ci.

 

Plateaux : Les restrictions budgétaires ont eu pour effet la suspension des DIF « non-prioritaires » depuis mai pour l’année 2010, depuis octobre pour la Période de professionnalisation …


J. V. : Il y a une nouvelle loi et une demande de formation en augmentation. Pour y faire face, il faut se mettre autour de la table afin de renégocier nos accords professionnels en fonction des nouvelles dispositions légales. Nous l’avons fait, par avenants, dans les champs professionnels. Il faut maintenant renégocier l’accord interbranche des intermittents. Cela est urgent. En premier lieu sur le taux de contribution, parce qu’on ne peut pas se contenter de resserrer les règles d’accès des salariés tous les ans et gérer la pénurie.

Il faut donc augmenter les ressources. Rappelons que les entreprises bénéficient d’un corps professionnel qualifié, il est normal qu’elles en payent le prix.

Les derniers décrets d’application de la loi devraient paraître d’ici le 31 décembre. Nous demanderons donc tout début 2011 l’ouverture de négociations avec les employeurs.

Cela est d’autant plus nécessaire que les régions, qui participent au financement de la formation, risquent de se désengager sous l’effet de la réforme des collectivités territoriales ou encore de la suppression de la taxe professionnelle ou du gel de la dotation de l’Etat. Les régions les moins riches ne pourront plus, en effet, faire face à toutes leurs responsabilités en termes d’équipements, d’écoles, de RSA… On va, très certainement, en ressentir les effets  en 2011 avec la baisse des subventions, ce qui va créer encore plus de chômage.

 

Plateaux : Quels sont les autres enjeux de la loi ?

 

J. V. : Un décret relatif aux organismes paritaires collecteurs agrées (OPCA)  a été pris le 24 septembre 2010, il détermine les conditions d’agréments des OPCA : un chiffre d’affaire de plus de cent millions d’euros et des services de proximité. L’AFDAS réponds à tous ces critères. Il n’est pas inutile de rappeler que dès 1972, nous avons opté pour le paritarisme et la prise en compte des particularités de nos secteurs. De nombreux OPCA ne remplissant pas ces critères vont disparaître et fusionner. Nous sommes actuellement en discussion avec la presse… Tout doit être décidé avant l’été  2011.

 

Propos recueillis par Gaëtan GALLIER