Dossier : Susciter le changement - stratégies pour lutter contre les stéréotypes du genre et promouvoir l’égalité des chances pour les artistes interprètes de théâtre, de cinéma et de télévision en Europe

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Article paru dans Plateaux n°201 - 2ème trimestre 2010

Conférence de la FIA au Parlement européen, Bruxelles le 8 juin 2010

Cinq séminaires régionaux ont eu lieu depuis septembre 2009 rassemblant les représentants du secteur, des personnalités appropriées de la scène politique et de la société civile ainsi que des artistes interprètes. L'objectif de ces rencontres était de partager et échanger les bonnes pratiques dans le combat contre les stéréotypes liés au genre et d’améliorer la représentation et l’emploi des femmes au cinéma, à la télévision et au théâtre en Europe.

Le consultant Richard Polacek qui a assisté à ces cinq réunions a rédigé un rapport relevant les bonnes pratiques repérées, les recommandations faites mais aussi toutes les idées et suggestions pertinentes qui en sont ressorties, afin que celles-ci puissent être rassemblées dans un manuel.

La conférence finale organisée à Bruxelles en a présenté les résultats, partagés et commentés dans le réseau européen de la FIA (EuroFIA).

Cinq représentants du SFA (Catherine Alméras, Magali Braconnot, Jacques Chauvin, Denys Fouqueray, Danielle Stéfan) ont participé à cette conférence, qui rassemblait une centaine de représentants des 11 pays participant au projet. Le SFA avait organisé à Marseille en novembre 2009 et animé le séminaire franco-espagnol  sur le sujet.

 

L’origine du projet

En continuité avec les travaux mis en œuvre par la FIA depuis 1975, EuroFIA a entamé ce travail de réflexion avec le projet de recherche de 2008: «La modification de la représentation du genre: création des opportunités d’emploi pour les femmes dans le secteur du spectacle, de la télévision et du cinéma». Il traite donc aussi du thème de l’égalité des genres en se concentrant sur la représentation des femmes au cinéma, à la télévision et au théâtre en Europe ainsi que sur l’égalité des chances pour les femmes artistes interprètes.
Les conclusions du précédent projet ont mis en évidence plusieurs graves problèmes pour les actrices tels une longévité de carrière moins importante, des revenus plus bas, une plus faible quantité et variété de rôles, ce qui amène les femmes artistes interprètes à considérer leur genre comme un désavantage dans le monde du théâtre, du cinéma et de la télévision.

Le rapport d’étude «Age, genre et emploi des artistes interprètes en Europe» constitue une ressource nouvelle et unique sur la représentation des genres et son impact sur les opportunités d’emploi pour les artistes interprètes en Europe. Il représente une contribution précieuse au travail global de la Commission européenne sur l’égalité des genres, dont deux des axes primordiaux sont : un salaire égal pour un travail égal et la non-discrimination. Les réactions positives et les réponses encourageantes du Parlement européen ainsi que du Conseil de l’Europe démontrent que le rapport peut avoir un réel usage stratégique dans la prise de décision et la préconisation du changement. On peut télécharger une copie du rapport à cette adresse : http://www.fia-actors.com/fr/projects.html

 

Les objectifs

La FIA a obtenu un financement de la Commission européenne pour ce projet qui vise à passer de l’étude à l’action concrète. Ce nouveau projet s'est construit sur les fondations posées par le premier et a cherché à identifier des actions stratégiques claires pour susciter le changement à travers l’UE. L'attention s'est concentrée sur la découverte de stratégies, tant du côté des syndicats d’artistes interprètes que de celui de l’action politique au niveau national et européen. Ces stratégies, exemples et bonnes pratiques auront pour but de renforcer et de soutenir les syndicats d’artistes interprètes dans leurs combats dans ce domaine. L’objectif est de fournir des modèles d’approches tant contraignantes (comme les quotas ou les critères de financement par exemple) que flexibles (comme la mise en place de projets culturels ou encore l’application dans les institutions culturelles d’une approche par liste de vérification pour l’égalité des genres) glanées à travers l’Europe pour en analyser le fonctionnement et les accomplissements.

Par ailleurs, ils pourront servir de plan à divers décideurs, leur fournissant ainsi des exemples de possibilités d’action politique effective. Ils mettront également en évidence des procédés que le secteur pourra utiliser afin de faire évoluer la représentation des genres et de se débarrasser des stéréotypes.

Le programme de la journée :

 

L'accueil des députées européennes

Quatre députés européennes ont suivi une partie des travaux : Mary Honeyball (Royaume Uni, travail sur le statut social des artistes), Marie Christine Vergiat (France, commission culture et éducation), Cecilia Wikstrom (Suède, commission juridique), Eva Britt Svensson (Suède, commission FEMM).

 

Il existe deux rapports du Parlement européen sur lesquels s'appuyer :

- sur les stéréotypes dans la publicité – émanant de la commission FEMM

- sur l'égalité des chances – émanant de la commission culture

Que faire de ces textes ? Quelles propositions concrètes avancer pour les rendre effectifs ? Des lois existent dans beaucoup de pays mais ne sont pas toujours appliquées. L’argument de la liberté de création fait souvent écran à l’absence de réflexion sur le sujet, ou à la volonté de ne pas faire évoluer la situation.

La situation varie beaucoup dans chacun des 27 pays de l’UE (auxquels s’est ajoutée la Norvège). La Suède est souvent citée comme exemple concernant l'égalité des genres.

Un document européen existe depuis mars 2009 sur l'égalité des genres dans le domaine artistique. Il est non contraignant mais solide.

La création (tardive et attendue !) de l'institut de Vilnius (fin juin 2010) devrait permettre de servir d'outil pour initier des progrès dans le domaine.

Malgré des avancées notamment législatives, la réalité a trop souvent du mal à bouger. Pourquoi ça résiste ? L’importance de l’éducation a été mise en évidence.

 

Le manuel des bonnes pratiques présenté par Richard Polacek

 

Ce manuel est conçu comme une « boîte à outil » des pratiques européennes et de la scène internationale existantes. Il est composé de dix chapitres :

1 le cadre législatif européen

2 la diversité des règles nationales

3 les objectifs quantitatifs et qualitatifs

4 les domaines du management et de la gestion

5 repenser la formation

6 changer les représentations et lutter contre les stéréotypes

7 axe prioritaire : généralisation de l’égalité des genres

8 les réseaux existants

9 le suivi des mesures anti-discriminatoires

10 la sensibilisation du public.

 

A l’intérieur de ces chapitres les 49 dispositifs ou préconisations répertoriés, ont été recensés lors des cinq séminaires, dans les 11 pays participants. Ils seront augmentés avant publication des diverses contributions apportées au cours et après le séminaire final.

C'est un ouvrage qui se veut pratique, pragmatique. Il est destiné à être diffusé à tous les niveaux de responsabilités.

 

En conclusion de ce tour d’horizon européen, il est plus que jamais essentiel de rester lucide sur le fait que ce qui est acquis ne l’est jamais définitivement, que l’on voit poindre périodiquement des remises en cause. Et par conséquent, outre la nécessaire mobilisation pour faire avancer réflexion et mise en pratique, il est indispensable de défendre les dispositifs existants.

En cela le rôle des acteurs du secteur est primordial (syndicats, employeurs etc…)

Mais il ne faut pas négliger le soutien que peut apporter le public.

 

Prises de parole et débats :

 

L’après-midi une dizaine d’invités des divers pays (responsables syndicaux, professionnels du spectacle, institutionnels, etc.) sont venus parler de la situation dans leur pays, ouvrant ainsi le débat à l’ensemble de l’assemblée.

Au-delà de témoignages concrets donnant un panorama des disparités en Europe, il a été réaffirmé qu’il est temps de changer les perceptions, et que les institutions ont un rôle important à jouer en la matière. Mais aussi qu’il n’est pas d’avancées sur la question de l’égalité des genres sans un équilibrage des droits sociaux, que c’est un problème de démocratie.

Il a fallu mettre en garde certains intervenants qui assimilaient le problème de la discrimination envers les femmes à celui des minorités. Les femmes sont partout dans le monde la moitié de l’humanité ! D’où l’importance de sortir de la victimisation pour construire l’avenir sainement.

 

Nos commentaires et remarques

Dans la lutte contre les discriminations de genre, il s'agit de choix politiques, éthiques et philosophiques et non de bons sentiments.

Il s'agit de choix politiques quant à la distribution des financements. On ne peut séparer la lutte contre les discriminations de genre et la lutte contre le système économique actuel profondément inégalitaire. L'amélioration de la condition des femmes passe par la défense et le développement des droits sociaux, des retraites, des services publics...

 

Le SFA souhaite ajouter des propositions de mesures à prendre en s'inspirant des propositions du rapport de Reine Prat et de celles que nous avions apportées lors du séminaire de Marseille, pour que ce manuel, ne soit pas qu’une compilation de mesures existantes, mais aussi une incitation à transformer les pratiques existantes.