Lettre ouverte à monsieur Christophe Girard, Adjoint à la Maire de Paris, en charge de la Culture

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Monsieur Christophe Girard,

Le 27 mars, vous vous êtes exprimé sur le site News Tank Culture à propos de la crise sanitaire, de ses répercussions sur les établissements culturels de la Ville de Paris ainsi que sur les aides de la Ville dans le domaine du spectacle vivant. 

Si nous sommes rassurés d’apprendre que les aides à la création et à la diffusion attribuées seront versées aux compagnies sans condition de nombre de représentations, nous avons été stupéfaits par les recommandations que vous adressez aux établissements culturels de la Ville de Paris !

En effet, alors que le confinement total entre dans sa troisième semaine et que les interdictions de rassemblement ont entraîné des annulations de spectacle depuis le début du mois de mars, vous conseillez de « reporter les représentations lorsque cela est possible » et de n’assurer le versement des salaires qu’en cas d’annulation sans report ! Pire, vous improvisant administrateur, vous encouragez les établissements culturels de la Ville, « en cas d’annulation, à assurer les cachets prévus initialement, ou à en garantir un taux minimum. Sur les jours de spectacle prévus, ce cachet pourrait s'élever entre 100 et 120 € pour les techniciens, et entre 150 et 200 € pour les artistes. ».

Qu’est-ce que c’est que cette proposition univoque au doigt mouillé ? Proposez-vous aux établissements de faire fi de leurs engagements contractuels et conventionnels ? Et de payer les artistes et techniciens uniquement s’ils ne peuvent pas « décaler » les événements ?

Êtes-vous à ce point déconnecté de la réalité des artistes, des techniciens, des personnels administratifs et d’accueil travaillant dans et pour les théâtres et les établissements culturels de la Ville de Paris ? Connaissez-vous le droit du travail ? Avez-vous seulement pris la peine – même confiné – d’interroger et d’écouter les directions et les équipes des lieux ? Les compagnies et les artistes qui ont vu leur travail empêché ?

Si les mesures annoncées par le ministère de la Culture pour répondre à la crise sanitaire et sociale sont loin d'être à la hauteur, Franck Riester a déclaré dès le 18 mars : « je demande aux structures les plus solides financièrement, ainsi qu’à ses opérateurs et aux structures subventionnées par l’État, de faire jouer la solidarité en payant les cessions prévues aux compagnies et en honorant les cachets des intermittents afin de ne pas les fragiliser. »

Comment, dès lors, la Mairie de Paris peut-elle vouloir faire moins ? Vos déclarations font porter de graves risques sur nos métiers. Nous exigeons des clarifications dans les meilleurs délais !

La Mairie doit enjoindre l’intégralité des théâtres et établissements culturels qu’elle soutient directement – qu’ils soient en régie directe ou non – à se conformer à l’effort de solidarité que la situation impose, en :

·         Assurant les salaires et cachets des artistes et techniciens intermittents dont les contrats étaient signés, ainsi que ceux qui avaient reçu des promesses d’embauches, sous quelque forme que ce soit (mail, SMS, inscription au planning, etc.)

·         Réglant sans délai les cessions dues aux compagnies en cas d’annulation ou de report, afin que ces structures, souvent fragiles, puissent rémunérer les artistes et techniciens.

Pour ce faire, la Ville doit, dans les meilleurs délais, assurer le versement des subventions à ces établissements et donner tous les gages nécessaires afin que les structures puissent engager les fonds sans tarder. 

Nous savons que la Ville de Paris souhaite accompagner l’initiative des « concerts de balcons », en rémunérant via le GUSO, chaque soir et dans chaque arrondissement, des artistes désirant offrir une vingtaine de minutes de concert ou de récital, après les applaudissements que les Parisiens adressent en soutien aux personnels de santé. Nous soutenons et aidons à mettre en place cette initiative qui témoigne du soutien que la Ville de Paris peut apporter aux artistes et aux habitants, en ces temps si difficiles.

Si la situation sanitaire est aujourd’hui l’urgence absolue, la crise économique s’annonce longue, difficile et massive. Elle exigera de chacun des efforts et de la responsabilité. La Mairie de Paris et, au-delà, tous les acteurs publics se doivent d’être à la hauteur.

Les premières mesures annoncées ne suffiront pas à endiguer la profonde crise économique qui nous attend. C’est pourquoi nous demandons dès aujourd’hui que la Mairie annonce sa volonté de mettre en place un Fonds de soutien et de solidarité exceptionnel à destination du Spectacle Vivant, qu’il soit privé ou subventionné, afin que les artistes et les techniciens puissent reprendre et continuer leurs activités dans les mois suivants.

Pour le secteur musical, nous souhaitons que la Ville de Paris participe aux côtés de l’Adami et la Sacem au Fonds de soutien mis en place par le CNM et affirme son soutien à la diversité musicale en augmentant sa participation au GIP Café Culture. En contribuant ainsi à la relance d’une activité artistique professionnelle dans les bars et les restaurants, la Ville aidera également ce secteur d’activité, durement touché par l’épidémie et ses conséquences.

Plus largement, nous devons engager dès aujourd'hui avec vous une réflexion, en concertation avec les représentants des professions du spectacle afin que, dès la levée du confinement, la création, la production et la diffusion des œuvres et des spectacles puissent pleinement retrouver « droit de cité ».

Dans l’attente des réponses et des clarifications urgentes que la situation impose, nous vous prions de croire, Monsieur Christophe Girard, Adjoint à la Maire de Paris en charge de la culture, en l'expression de nos salutations citoyennes.

Fait à Paris, le 1er avril 2020

 

Lettre signée par le SFA, le SNAM et le Synptac