Retour sur l'EuroFIA à Madrid, du 27 au 29 juin

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1 Juillet 2022

 

 

Pour la première fois depuis plus de deux ans, les syndicats européens affiliés à la Fédération Internationale des Acteurs, regroupés sous le sigle EuroFIA, ont pu se rencontrer en présentiel, à Madrid, du 27 au 29 juin. Au-delà du pur plaisir de nous retrouver, militants de longue date ou camarades plus fraichement intégré.e.s dans le travail international de notre fédération, cette rencontre en chair et en os nous a permis de travailler intensément, dans les séances formelles et aussi « en coulisse », où il est souvent plus facile d’aborder des sujets  difficiles ou de faire préciser les pratiques syndicaux ou professionnelles spécifiques des différents pays.

 

L'impact de la guerre en Ukraine sur les professionnels du spectacle

Lors du premier après-midi, nous avons eu le privilège d’accueillir en visio-conférence le président du syndicat Ukrainien, Anatolii Yalovyi, qui nous a raconté l’impact de la guerre sur les professionnel.le.s du pays, en soulignant l’importance de la solidarité internationale et du mouvement syndical, même au-delà des temps de guerre.

 

L'actualité du spectacle en Espagne : la lente reprise et la contribution des plateformes

Le Ministre de la culture lui-même nous a souhaité la bienvenue dans le bâtiment ministériel qu’il nous a prêté pour nos travaux. Son discours a lancé une discussion sur la situation actuelle du spectacle en Espagne. Là-bas comme ailleurs, la reprise est très lente, et l’investissement nationale dans la culture est trop restreint, la majorité de fonds venant des régions et des municipalités, et ce financement est donc très variables, et assez précaire. Il nous a été indiqué que les plateformes comme Netflix ou Amazon contribuent à hauteur de 5% de leur chiffre d’affaires réalisé en Espagne à la production nationale (c’est 20% en France, partagés entre cinéma et télévision) et que les artistes reçoivent, via leur organisme de gestion collective, un droit de rémunération pour la mise à disposition financé par le budget gouvernemental.

 

Le streaming des spectacles pendant la pandémie

Une table ronde sur le streaming des spectacles pendant la pandémie et après a réuni des représentant.e.s du Royaume-Uni, de la France, de la Suède et de l’Allemagne. Pendant la période la plus intense de la crise, dans tous les pays, la pratique a explosé, parfois de manière sauvage, comme en France, parfois de manière assez encadrée, comme en Suède, au Royaume Uni et en Allemagne. Dans certains pays, des accords existent depuis longtemps, souvent articulés avec les accords collectifs pour la télévision ; parfois ces accords ont été assouplis pendant la crise. Dans d’autres cas, la crise a permis de faire évoluer ces accords préexistants, voire d’aboutir à la négociation d’une nouvelle protection pour les artistes. Dans tous les pays, les artistes et leurs syndicats se posent des questions sur l’avenir de la diffusion numérique du spectacle vivant, tout le monde reconnaissant la spécificité de l’expérience éphémère dans une salle de spectacle. La discussion est passionnante.

 

Quelle négociation collective pour les travailleur.se.s indépendant.e.s ?

Le lendemain était prévue une présentation de nouvelles préconisations européennes concernant la possibilité en matièrev de négociation collective pour les travailleuses et travailleurs indépendant.e.s. La situation évolue lentement, mais favorablement.

 

A été également présenté un rapport sur un nouveau dispositif irlandais instaurant un revenu universel de base pour les artistes. Le syndicat suit attentivement la mise en œuvre de ce système très novateur, qui n’accueille pas un soutien unanime.

 

Les accords collectifs relatifs aux plateformes audiovisuelles et la garantie de rémunération minimale pour le streaming en France

Une table ronde sur les plateformes audiovisuelles de mise à disposition a permis d’étudier les accords collectifs qui existent (ou pas) dans plusieurs pays. Les participants comprenaient des syndicalistes de la Pologne, des Pays-Bas, du Danemark, du Royaume Uni et de la Norvège, et de nombreux autres se sont exprimés depuis la salle. Certains syndicats ont des accords directement avec une ou des plateformes, d’autres ont des accords passant par les producteurs. Dans d’autres pays, ce sont les organismes de gestion collective des droits (souvent contrôlés par les syndicats) qui ont des accords avec les plateformes. Il n’y a pas un seul modèle, la négociation est difficile, il n’y a pas de politique commune à toutes les plateformes, mais il y a beaucoup de production pour ces divers acteurs. Cette discussion était très utile pour le SFA, qui est actuellement en négociation avec les producteurs français sur le sujet.

Le SFA a pu faire une présentation complète de notre accord sur la Garantie de rémunération minimale pour le streaming dans le domaine phonographique, signé le 12 mai et déjà étendu et applicable depuis le 1er juillet !

 

Rencontre avec les organismes de gestion collective

Le dernier jour a été, comme il est de tradition, l’occasion pour une rencontre avec les organismes de gestion collective des différents pays. La réunion a eu lieu dans les locaux de l’AISGE, l’OGC espagnol des artistes interprètes. Pour la France, l’ADAMI était présent et actif.  Nous avons discuté de la mise en œuvre de la Directive de 2019 sur le droit d’auteur dans le marché unique européen, transposée en France par ordonnance présidentielle en mai 2021. De nombreux pays sont très en retard, et les termes de la transposition varient.

Les défis liés aux redevances pour copie privée, sources importantes de revenues pour les artistes, dans un contexte d’inflation et aussi de la disparition progressive de plusieurs des supports et appareils qui servaient auparavant à la copie, ont été abordés dans une autre table ronde. Le nécessaire assujetissement de dispositifs ou services de copie dans le « cloud » a été pointé à plusieurs reprises.

Les possibles conséquences du jugement de la Cour européenne de justice dans l’affaire « RAAP », rendant possible l’obligation de paiement de droits issus de la rémunération équitable sonore, voire de la copie privée, aux artistes extra-européen.ne.s n’ayant pas de système équivalent ont été l’objet d'un débat compliqué et délicat.

 

Les tournages au Royaume-Uni après le Brexit 

Les camarades de Equity UK et de l’OGC britannique nous ont présenté la situation des artistes du Royaume- Uni, à la suite du Brexit. Il y a toujours beaucoup de tournages au Royaume-Uni, mais les opportunités de travail dans le spectacle vivant en tournée a fortement diminué en Europe.

Le SFA était de nouveau à la tribune pour une table ronde sur l’extension de la durée de protection pour les artistes interprètes de l’audiovisuel, sachant que pour le sonore, la durée des droits est passée de 50 à 70 ans en 2011, mais que l’Union européenne n’a pas cru bon d’offrir la même protection dans l’audiovisuel.

Enfin, nous avons eu le plaisir d’accueillir Jorge Bosso, grand acteur argentin vivant et travaillant en Espagne, grand ami du SFA et ancien vice-président de la FIA, qui a reçu un prix pour une vie de travail au service des droits des acteurs. L’acteur Fernando Marin, vice-président d’AISGE, a aussi été honoré, mais ne pouvait être présent. Il est à noter aussi la participation active pendant les trois jours de Gabrielle Carteris, Présidente de la FIA et ancienne présidente du syndicat américain de l’audiovisuelle SAG-AFTRA.