Transposition de la directive service en droit français : la réforme de la licence d’agent artistique

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Article paru dans Plateaux n°198 - 3ème trimestre 2009

Le 7 septembre 2009 la Délégation générale à l’emploi et la formation professionnelle (maintenant placée sous l’autorité du ministère de l’Economie, des finances et de l’emploi et non plus du ministère du Travail) a organisé une réunion d’information sur la réforme de la licence d’agents artistiques. Etaient présents à cette réunion le Syndicat français des agents artistiques et littéraires (SFAAL), les syndicats des agents de variétés, de la musique classique et pour les artistes, le SFA et le SNAPAC-CFDT.

Il s’agissait pour le ministère de présenter l’article 12 du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, et à l’artisanat et aux services, et d’entendre les différentes parties sur le contenu d’un projet de décret qui ne nous a pas encore été remis. Le projet de loi est en fait la transposition en droit français de la directive européenne sur les services (dite Bolkenstein). Celle-ci interdit toute profession réglementée et celle d’agent devient donc libre de toute interdiction qui la protégeait jusqu’alors. 

Une profession désormais ouverte à tous… 

Si la licence d’agent demeure dans le projet de loi, elle sera attribuée de droit à toute personne qui la demande et la commission d’attribution disparait. Rappelons que celle-ci était simplement consultative et se donnait pour mission essentielle de vérifier que les demandeurs connaissaient l’environnement social des artistes et les conditions dans lesquelles le candidat à la licence entendait exercer. L’agent devra dorénavant simplement s’inscrire sur un registre national. 

La levée de toutes les incompatibilités à la profession d’agent artistique va permettre aux exploitants de lieux, aux producteurs de films, aux programmeurs de radiodiffusion ou de télévision, aux administrateurs, directeurs artistiques ou régisseurs d'une entreprise de production de films, aux directeurs artistiques ou commerciaux d'entreprise d'édition et d'enregistrement de disques ou de tous autres supports d'enregistrement, aux loueurs de matériels et espaces de spectacles, aux producteurs dans une entreprise de radiodiffusion ou de télévision, aux éditeurs de musique, aux agents de publicité d’exercer la profession d’agent artistique et la liste n’est pas exhaustive. 

Le projet de loi prévoit tout de même que la relation entre l’agent et l’artiste fasse l’objet d’un mandat écrit et maintient un plafond maximal de rémunération de l’agent. 

La définition de l’agent artistique, l’inscription au registre, le contenu du mandat, la nature et le plafond de la rémunération de l’agent artistique sont renvoyés au décret. 

Les différentes organisations professionnelles présentes ont pris acte, sans surprise, de la transposition de la directive service dans le droit français et des conséquences qui en découlent pour les agents artistiques mais aussi pour les artistes interprètes qui se voient ainsi encore un peu plus fragilisés. Le Syndicat des agents de variétés a rappelé son désir de voir se mettre en place un label de qualité adossé à une charte de bonne conduite au niveau européen. Force est de constater que cette question n’est vraiment pas à l’ordre du jour même si une charte n’a aucun caractère contraignant.

Le principe de définition de la profession d’agent artistique ne pose pas de problème a priori sauf à découvrir dans le texte des dispositions qui seraient contraire aux intérêts des artistes.

L’obligation d’un mandat écrit a fait consensus entre les représentants des agents et les organisations syndicales d’artistes présentes. Le SFA et le SFAAL ont proposé d’envoyer au ministère le modèle de contrat entre un artiste et son agent qu’ils ont conjointement adopté. LA DGEFP a décidé de faire une proposition de rédaction à partir de ce modèle. 

La rémunération de l’agent…

La question qui reste en suspens et qui risque d’être délicate est celle de la rémunération de l’agent. En effet si la loi prévoit un seuil de rémunération maximal, c’est le décret qui fixera ce seuil. Le SFAAL demande l’établissement d’un seuil minimal afin d’éviter toute concurrence déloyale et tout dumping. Le Syndicat des agents de variétés demande à ce que la commission d’agent puisse atteindre jusqu’à 20%, faisant valoir que le rôle des agents de variétés ne se limitait pas au seul placement. Le SFA a proposé que cette question fasse l’objet d’un débat et qu’en tout état de cause le dépassement du pourcentage actuel (10%) doive être strictement encadré en fonction des différentes tâches supplémentaires que les agents de variétés pouvaient être amenés à remplir. A ce sujet certains participants ont déclaré que le seuil actuel de 10% du salaire de l’artiste était un usage et qu’il n’était pas réglementé légalement. Cette assertion s’est d’ailleurs faite sans aucune réaction des fonctionnaires de la DGEFP. 

Nous entendons rappeler ici que l’article R7121-20 du Code du Travail créé par le Décret N° 2008-244 du 7 mars 2008 stipule : « Les sommes que les agents artistiques peuvent percevoir en rémunération de leurs services de placement ne peuvent excéder 10 % de la rémunération de l'artiste.

Ces sommes font l'objet de tarifs fixés par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la culture et de l'économie, pris après consultation des organisations professionnelles…

Cet arrêté détermine :

1° Les éléments de la rémunération de l'artiste pris en considération pour le calcul du pourcentage fixé au premier alinéa ;

2° Les frais exposés par les agents artistiques dont ils peuvent demander le remboursement à l'artiste, en plus de la rémunération de leurs services de placement. »

Ces dispositions actuelles répondent selon nous aux préoccupations des agents et il serait logique de réintégrer celles-ci dans le texte du nouveau décret. 

Enfin et sans attendre les services du ministère ont décidé de ne plus convoquer la commission d’attribution des licences d’agents artistiques et de ne plus répondre aux demandes sachant que la loi actuelle stipule que sans réponse du ministère la licence est automatiquement attribuée au demandeur. 

On le voit le changement de législation risque d’être l’occasion pour certains d’œuvrer à la remise en cause des rémunérations des artistes. Ceux-ci devraient en toute logique se mobiliser aux côté de leur syndicat sur cette question. Le premier conseil que le SFA tient à donner aux artistes est qu’ils le consultent avant de signer quoique ce soit avec un nouvel agent.

 

Denys FOUQUERAY