« Les Amandiers », de la rumeur à la colère

-A A +A
2 Décembre 2022

 

« Rumeur : nom féminin (latin rumor, -oris). Nouvelle, bruit qui se répand dans le public, dont l'origine est inconnue ou incertaine et la véracité douteuse » (définition Larousse)

 

Rumeur, c’est le mot répété dans le communiqué des producteurs du film « Les Amandiers ».

Rumeur.

Pas d'accusation. Non. Une rumeur. Un bruit, d’origine inconnue, d’une véracité douteuse.

Mais comme cela est violent !

 

Et cela dit en un mot tout le problème de fond qui subsiste dans nos secteurs : même si l’accusation est clairement formulée et identifiée, on parle de rumeur. Tant qu’il n’y a pas de plainte, c’est une rumeur. Et lorsqu'il y a plainte ? Alors face à la présomption d’innocence (que nous défendons également) de l’acteur incriminé, il n’existe pas le contrepoids essentiel de la présomption de sincérité des victimes.

 

Les producteurs  (Alexandra Henochsberg d’Ad Vitam Production et Patrick Sobelman d’Agat Films) et la réalisatrice Valéria Bruni Tedeschi, ne peuvent ainsi se défausser de leur responsabilité dans leur choix de maintenir Sofiane Bennacer dans la distribution. Car il ne s’agissait pas d’une rumeur, mais dès les casting d’une accusation clairement identifiée. Il s’agit donc bien d’un choix de leur part. Un choix qui rejaillit sur toute l’équipe, sur les actrices et acteurs ayant participé, sur la comédienne qui a préféré refuser l’audition et, plus grave encore, sur la jeune comédienne qui a eu l’immense courage de porter plainte et se retrouve aujourd’hui exposée.

 

Car il faut du courage pour briser le silence. Il faut du courage pour se replonger dans ces violences afin de témoigner. Il faut du courage pour affronter la peur des représailles, surtout lorsque l’agresseur semble ainsi soutenu et mis en lumière.

 

Traiter cela par le mot « rumeur » est indécent et réitère une violence qui tend à minimiser les violences dénoncées par les femmes dans notre société et dans nos secteurs d'activité.

Après #MeeToo, il serait grand temps de franchir une nouvelle étape essentielle : le «  #HimToo ». Accepter que si « elle aussi » a été victime, cela signifie que près de moi il existe ce « lui aussi » agresseur/violeur/harceleur.

 

Le SFA s’étonne également que Marion Touitou, directrice de casting du film, et Patrick Sobelman, l’un des producteurs du film, tous deux respectivement membre du comité « Révélations » César 2023 et Vice-Président de l’Académie, aient pu laissé le jeune acteur, désormais mis en examen pour viols et violences, apparaître sur la liste des révélations de l’académie des Césars ? Leur argument ne peut plus être celui de la « rumeur ». Alors quel est-il ?

Moins de trois ans après le tollé de 2020, cela interpelle sur le fonctionnement des Césars. À nouveau.

 

Le SFA estime que cela révèle la légèreté avec laquelle, du casting à la production, en passant par la réalisatrice, l’ensemble des responsables de ce tournage ont traité la question des violences et harcèlements sexistes et sexuels. Et cela vient fragiliser les victimes qui craignent d’être confrontées à un choix impossible entre carrière et dénonciation, et appuyer les dires des agresseurs qui bien souvent leurs assènent qu’elles ne seront pas crues, et qu’ils détruiront leurs carrières afin de s’assurer de leur silence. C’est ainsi qu’ils peuvent agir en toute impunité.

 

Le monde du cinéma et, au-delà, l’intégralité de nos secteurs, ne peut ainsi continuer à leur donner raison. Le casting et le tournage du film « Les Amandiers » est, en l’espèce, un cas d’école de ce qu’il faut éviter.

 

Le SFA tient à exprimer son soutien plein et entier envers la plaignante et les femmes qui ont osé témoigner. Nous avons besoin de votre courage pour avancer.

Nous souhaitons également exprimer notre soutien aux salarié·es du tournage qui se sont trouvé·es devant le fait accompli, participants malgré eux à cette situation délétère pour toutes et tous. N’oublions pas qui sont les véritables responsables de cette situation.

 

Nous voulons vivre de nos métiers, dans la dignité, le respect et la sécurité.