Dans un récent appel aux « acteurs chorégraphiques », le SYNAVI se livre à une entreprise de désinformation dont l'énormité n'a d'égale que les mensonges sur lesquels elle repose ! Il n'hésite pas à "expliquer" que, dans la cadre de la négociation de la convention collective du spectacle vivant subventionné, « les modifications exigées [par les syndicats de salariés qui représentent les danseurs] aboutiraient à un retour à une organisation archaïque du temps de travail des danseurs »…
Le SYNAVI est un syndicat d'employeurs. Ce n'est pas déshonorant, il ne le proclame pourtant ni volontiers ni à très haute voix. Il ne fait pas de doute que cette modestie silencieuse lui permet d'entretenir l'idée qu'il parle "aussi" au nom des artistes interprètes salariés par les entreprises adhérant à son organisation.
« Archaïque » dit-il ?
L'archaïsme, ne serait-il pas au contraire que l’employeur prétende savoir mieux que ses salariés ce qui est bon pour eux ?
L'archaïsme ne serait-il pas dans l'instauration d'un système de l'organisation du temps de travail inventé par le SYNAVI, qui entraîne, pour 5 heures de répétition par exemple, une diminution de 35 % de salaire ? Ce dont il ne se vante pas !
À l’image des politiques réactionnaires d’un autre temps, le SYNAVI, quand il s’agit d'améliorer les conditions d’emploi et de travail, voudrait écarter les « corps intermédiaires » que sont les syndicats d’artistes interprètes. À l’entendre en effet, le SFA et les autres syndicats de salariés seraient accrochés à ces vieilles lunes que sont le contenu d’un contrat de travail, le respect du cœur de métier, la défense d’une organisation de la journée de travail respectueuse du corps des artistes chorégraphiques et de leur qualification, alors que la polyvalence tous azimuts, la transformation de l’artiste interprète en « artiste intervenant » bon à tout faire serait le must de « l’organisation innovante du travail du danseur » (sic).
à ceux qui proclament que l’organisation du travail des danseurs en services – à l’instar de ce qui se passe pour l’ensemble des professionnels du spectacle vivant, artistes et techniciens – serait un archaïsme, nous affirmons que rien n’est plus archaïque que le détricotage inlassable des protections sociales. Le SYNAVI confond la réalité de l'« évolution des métiers et des pratiques artistiques » avec détérioration des conditions de travail et affaiblissement de l’engagement de nombreux partenaires dans la mise en place de politiques culturelles et artistiques qui respecteraient un cadre propice à la création.
Si on écoute le SYNAVI et que l’on prend pour point de référence la situation sociale de plus en plus dégradée que vivent les salariés privés d’emploi en France, ce sont toutes les protections sociales – conçues par les organisations syndicales de salariés du spectacle depuis des décennies, conquises et consolidées dans la lutte – que l'on devrait considérer "archaïques", de notre régime spécifique d’assurance chômage aux conditions adaptées à nos métiers pour l'accès à la formation professionnelle continue.
On ne peut plus admettre ce double langage qui fait que la même personne se considère un jour comme un salarié intermittent revendiquant "ses indemnisations" et parle le lendemain comme un patron, exigeant que ses salariés endossent (en l’occurrence, on pourrait dire « incorporent ») toutes les contorsions utiles à son projet personnel. Cette absence de repères sociaux, ce refus d’assumer ses responsabilités, cette capacité à « manger à tous les râteliers » en faisant la leçon aux représentants des salariés sur ce qui serait « la réalité du danseur », sont les symptômes d’un paternalisme – réellement archaïque, lui – auquel les salariés sont trop souvent confrontés, et ô combien, les artistes interprètes.
Le SFA n’acceptera pas que se perpétue ce type de pressions, il ne cessera de combattre ce chantage à l’affect, qui, surfant sur les aléas de la crise de l’emploi et les avatars de l’assurance chômage, profite du désir profond qu’ont les danseurs professionnels de vivre de leur métier et de leur art !
Ne nous y trompons pas, derrière un discours prétendument innovant au service de la création chorégraphique, en écho aux « réalités d’une grande majorité des structures chorégraphiques », la volonté de faire disparaître l'organisation du travail en services n’est rien moins que la volonté d’avoir les mains libres pour « envoyer les danseurs deux heures ici, puis deux heures là et deux heures à un troisième endroit…» ainsi que l'avouait sans vergogne en séance plénière de négociation collective un responsable du SYNAVI, exprimant ainsi un des objectifs pas très avouables de cette organisation.
Par ailleurs, on peut s’étonner que nos collègues auteurs du syndicat Chorégraphes Associés, puissent – au nom du positionnement de « Vigie des auteurs » qu’ils souhaitent être le leur – s’inscrire dans ce débat entre employeurs d’artistes et artistes salariés en écrivant que les organisations syndicales définiraient « à leur place », en le « restreignant », l’emploi des artistes chorégraphiques.
Le SFA a toujours considéré que, dans le cadre d’une création ou d’une série de représentations, il pouvait être proposé aux danseurs – en relation avec leur contrat d’engagement – d'effectuer des ateliers et autres activités culturelles à destination des publics. Ces possibilités sont inscrites dans la convention collective, le SFA et les organisations syndicales souhaitent simplement qu'elles soient encadrées afin d'éviter les risques d'abus (réels comme on l'a vu). C’est donc à la fois mensonge et hypocrisie que d'introduire le doute quant à la conscience que nous avons de l’intérêt de ces actions et de leur nécessité, à condition qu’elles soient réellement connexes à la création artistique, limitée dans leur ampleur, et que les danseurs qui les réalisent soient absolument libres de les accepter.
« Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage », dit-on. A y regarder d’un peu plus près, on peut se demander si l’étendard de l’innovation si frénétiquement agité, n’est pas en vérité un voile, pudique ou non, qui tente de masquer l’acceptation d’une paupérisation subie de nos métiers et de nos pratiques artistiques.
Nous encourageons, et nous tâcherons de convaincre tous les artistes interprètes du spectacle vivant, danseurs, comédiens, chanteurs, musiciens à refuser le renoncement auquel les invite le SYNAVI, et continuer à se battre pour obtenir ensemble l'amélioration nécessaire des conditions d'exercice de nos métiers et la préservation de ce pourquoi nous les avons choisis.
le 10 juillet 2012