L'alinéa III de l'article 32 de la loi Liberté de Création Architecture et Patrimoine du 7 juillet 2016 (LCAP) permet, dans un cadre lucratif, de présenter sur scène des artistes interprètes rémunérés et d'autres travaillant gratuitement.
Nous avions proposé dans les débats qui ont précédé l’adoption de la loi le grand II de cet article qui permet, sans limitation aux groupements de pratique en amateur d'organiser autant de spectacle, avec billetterie, qu'ils le souhaitent sans avoir à rémunérer les artistes pratiquant en amateur, mais nous nous sommes opposé à toute idée de travail gratuit dans un cadre lucratif.
L'alinéa III du même article déroge à la loi sur la présomption de salariat des artistes interprètes et permet la mixité salariat-travail gratuit sur une même scène. Nos organisations se sont prononcées contre la carte professionnelle pour laisser les métiers d'artiste interprète ouverts.
Cette situation ne permet donc aucun contrôle de qui pratique en amateur ou qui est professionnel. Plus généralement, c’est un premier pas vers une légalisation du travail gratuit au prétexte de « pratique en amateur ». A l’avenir, et à l’ère du délitement du salariat, rien ne garantit que d’autres professions ne se verront pas imposer par voie légale un bénévolat ou amateurisme dans un cadre lucratif, donc producteur de bénéfices à moindre coût.
Suite à l'adoption de ces dispositions nous avions obtenus une concertation sur l'élaboration du décret de mise en œuvre de l'article 32 III de la loi LCAP.
Mme Audrey Azoulay a nommé M. Bernard Maurin, ancien directeur du travail, pour cette médiation. De fait cette mission avait permis de parvenir à un accord à 95% entre les syndicats de salariés, les organisations patronales et la Cofac (Fédérations culturelles notamment de pratique en amateur). La DGCA a refusé de participer à cette médiation.
Le jour de la conférence de presse (28 septembre 2016) de Mme Audrey Azoulay, Ministre de la Culture, qui nous livre un grand numéro d’illusionniste sur son budget, la DGCA reprend la main sur le décret pratique en amateur (article III de la loi LCAP) et jette à la poubelle les conclusions de la concertation Bernard Maurin pour imposer le travail gratuit généralisé.
La DGCA annule la totalité de cette médiation et cherche à imposer, par un projet unilatéral de décret, le travail gratuit. C'est de fait le plus grand plan de licenciement organisé contre les artistes interprètes.
Nous en appelons à la ministre. On ne peut laisser cette direction du ministère de la culture rendre les artistes interprètes qui essaient de vivre de leur métier, « tricards » sur les scènes, les plateaux, dans les salles de spectacle et tout espace scénique.
A l'heure de la mise en œuvre du FONPEPS, Fonds d'aide à l'emploi, et de l'exercice de la ministre pour nous faire apprécier son budget (on change le périmètre du budget du ministère pour donner à croire à une progression historique des moyens et de la part que représente ce budget dans celui de l'État), le projet de décret de la DGCA est révélateur de la méthode. On impose, on fait croire, on tourne le dos à toute idée d'élaboration démocratique.
Les artistes interprètes ne laisseront pas faire. Il en va de leur avenir, de celui de la création et de la démocratisation et de la démocratie culturelle.