La cellule investigation de Radio France vient de publier une enquête sur les violences sexuelles au sein des écoles de cirque. L’enquête est sans appel : là comme ailleurs, les abus font système ; le silence qui les entoure aussi. La parole se libère mais les actes ne suivent pas. Le collectif Balance Ton Cirque dénonce ces agressions depuis 2021 et l’enquête de Radio France confirme que plusieurs agresseurs auraient pu être empêchés de nuire depuis plusieurs années, si les victimes qui ont osé témoigner avaient été crues !
Ce qui empêche la parole de se « libérer », au-delà de la sidération et de la honte, c’est qu’on a peur de ne pas être cru·e ou, pire, que même si on nous croit, rien ne se passe ensuite et que l’accusation se retourne contre soi. Dans l’affaire de Châlons-en-Champagne, les faits reprochés à Pascal Vey remontent, au moins, à 1998. Le rectorat a été informé dès 2021 et l'information était connue au plus haut niveau du ministère de l’Éducation nationale depuis au moins début 2024.
Un contexte global particulièrement sexiste
Les faits rapportés dans cette enquête sont terribles : des viols sur mineurs avec soumission chimique, commis par une personne ayant autorité et parfois accompagnés de tortures. Mais l’exceptionnelle gravité de ces crimes est rendue possible par un système structurellement violent et sexiste. Les mains aux fesses et autres attouchements, les remarques dégradantes, les humiliations publiques sont légion dans l’enseignement du cirque – et de tant d’autres disciplines – ainsi que dans le monde professionnel. Le prétexte de la centralité du travail du corps, l’ascendant moral que les enseignants ont sur leurs élèves, le fait qu’on croit dépendre d’eux pour entrer dans la vie professionnelle… Tout cela constitue un terreau particulièrement favorable aux violences sexistes et sexuelles. La précarité inhérente au métier, l’entre-soi circassien, l’étroitesse du réseau professionnel ne font que renforcer la pression au silence. Et ce silence participe d’un système de domination patriarcale qui conforte les auteurs et celles et ceux qui les couvrent.
Le courage de celles et ceux qui parlent n’en est que plus grand. Le refus d’agir de celles et ceux qui sont en position de le faire n’en est que plus condamnable. Il est temps que l’impunité cesse pour celles et ceux qui savent, qui doivent agir, mais qui ne font rien. Les responsables pédagogiques, sous statut de la fonction publique ou non, doivent se saisir de l’article 40 du Code de procédure pénale qui les oblige à signaler au procureur de la République les crimes et délits dont ils ont connaissance. De même, dans le cadre professionnel les employeurs doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver les salarié·es d’une exposition à un risque ou à un danger dont ils ont connaissance. Cela fait partie de leurs obligations.
Le Syndicat Français des Artistes interprètes se réjouit que le parquet ouvre une enquête pour « non-dénonciation de crimes, d'atteintes sexuelles sur mineurs et mauvais traitements ». Le SFA tient également à assurer de son soutien toutes les victimes ainsi que celles et ceux, témoins, ami·es, professeur·es, artistes qui ont eu le courage de briser le silence.
Nous sommes attentifs aux travaux de la commission d’enquête sur les violences scolaires, et espérons que ses recommandations compléteront celles de la commission d’enquête sur les violences dans les secteurs du spectacle.
Trop longtemps dans le déni, nos secteurs semblent enfin prendre la mesure du travail à accomplir. Des accords de lutte et de prévention des VHSS sont conclus dans les principales branches professionnelles, ou sont en cours de négociation. Une cellule d’écoute à destination des victimes et témoins de VHSS dans nos secteurs, existe depuis 2020. ce sont des premiers pas, mais il reste tant à faire…
La lutte contre les violences commises dans nos secteurs est un enjeu essentiel pour notre syndicat. C’est pourquoi nous appelons les artistes circassien·nes, ainsi que tous les artistes interprètes à nous rejoindre, afin de continuer à construire, au plus près des préoccupations des artistes, les revendications et les luttes qui mettront fin à l’impunité dans nos métiers.
Paris, le 2 juin 2025