Article paru dans Plateaux n°212 - 1er trimestre 2013
La fédération du spectacle CGT et tous les syndicats de salariés, à part la CFDT, ont signé, le 19 janvier 2012, une convention collective de la production cinématographique avec l’Association des producteurs indépendants (API). Ce texte contient un titre I (le corps commun) et un titre II (techniciens, travailleurs, réalisateurs). Le titre I indique qu’il sera également complété par un titre III pour les artistes (artistes interprètes et acteurs de complément) et un titre IV, pour les employés permanents des sociétés de production. La convention doit couvrir à terme les films de long métrage, les courts métrages et les films publicitaires. Le 14 mars 2013, les ministres de la culture et du travail ont confirmé par écrit que cette convention, en souffrance depuis plus d’un an, devrait être étendue après la sous-commission d'extension du 11 avril, avec prise d'effet en juillet. à l’heure où nous mettons sous presse, nous ne pouvons qu’espérer que la parole ministérielle aura été respectée.
Fin mars, les mêmes ont missionné pour une durée de deux mois un médiateur (Raphaël Hadas-Lebel) pour tenter de rapprocher le point de vue des organisations non signataires de la convention de janvier 2012 et celui des syndicats signataires, concernant l'annexe 3 du titre II. Cette annexe (qui ne concerne pas les artistes) traite des films censés être trop peu financés pour pouvoir respecter intégralement les minima salariaux de la convention.
Il est prévu, en effet, que pendant cinq années les films ayant un budget inférieur à 2,5 millions d’euros (à concurrence de 20% par an de l’ensemble des films produits) pourront appliquer des barèmes minimaux dérogatoires aux salaires de certaines catégories de techniciens et des réalisateurs. Certains voudraient que cette dérogation ne soit pas limitée dans le temps, ni en nombre de films, et prétendent que le seuil est trop bas. Les syndicats de la CGT ont indiqué qu’ils étaient prêts à examiner, voire ajuster, certains aspects de cette annexe, mais sans toucher au cœur du titre II de la convention, ce qui semble être au contraire le désir des producteurs non signataires. On espère que la mission de médiation n’a pas été créée seulement pour gagner du temps, voire pour laisser pourrir la situation, déjà passablement pourrie suite à la campagne de presse d’une violence inouïe menée par les producteurs non signataires contre la nouvelle convention et contre ses signataires, accusés de vouloir la mort du cinéma français.
Pour orchestrer cette campagne, ces producteurs ont engagé une agence de communication institutionnelle très chère et des attachés de presse. L’Association des producteurs du cinéma (APC) est même allée jusqu’à adhérer au MEDEF et à la CGPME, dans l’espoir de pouvoir peser sur l’avis de la sous-commission d’extension ! Cette campagne reprise sans le moindre esprit critique par une certaine presse ayant semé beaucoup de confusion, le SFA a été interpellé par des artistes désirant connaître sa position. Nous avons expliqué que loin de vouloir appauvrir la diversité et la richesse du cinéma français, nous les défendons bec et ongles à longueur d’année à Paris, à Bruxelles et au-delà ; de manière autonome ou avec la fédération du spectacle, avec la FIA, avec la coalition pour la diversité culturelle et au sein du BLOC (Bureau de liaison des organisations du cinéma), que ce soit pour combattre la piraterie, pour protéger le système d’aides français ou pour promouvoir les coproductions cohérentes.
Il faut savoir que les réalisateurs n’ont pas jusqu’à maintenant de convention collective, et qu’une grande partie de leur travail a souvent été déclarée en droits d’auteur, voire pas payée du tout. Les conventions collectives concernant les techniciens et ouvriers, signées, comme la nôtre, par l’ancêtre de l’APC et non étendues, étaient de moins en moins respectées. Dans de nombreux films, ces travailleurs, salariés intermittents comme les artistes, sont obligés d’accepter des rémunérations descendant jusqu’à 50% de la référence conventionnelle, voire d’être payés « en participation », sur des recettes nettes des producteurs qui ne peuvent jamais être contrôlées. Leurs heures peuvent être extensibles à l’infini, sans paiement de suppléments. Après plus de cinq ans de négociation sur un nouveau texte, l’APC a même dénoncé ce qui restait de la convention collective et, suite à la signature en janvier 2012 par les organisations syndicales (sauf la CFDT) du texte mieux-disant accepté par l’API, a quitté, avec quatre autres chambres patronales, la commission mixte paritaire, annulant les réunions prévues avec les artistes.
Les salaires minimaux des techniciens et ouvriers dans la convention de janvier 2012 sont plus bas que ceux de la convention « historique », mais ils sont décents et réalistes. La plupart des films peuvent les appliquer, et pour ceux qui auraient des difficultés, il y a le système dérogatoire. Dans le même temps, depuis des années, les syndicats de la CGT proposent que les producteurs, les travailleurs du cinéma et les instances gouvernementales se retrouvent dans des « états généraux », notamment pour repenser la mutualisation des aides à la production, afin de mieux partager les fonds disponibles, pour qu’une réelle diversité puisse exister, sur les plateaux et sur les écrans, sans que ni les équipes techniques ni les équipes artistiques ne soient la variable d’ajustement pour faire vivre le cinéma français.
Le SFA attend la négociation du titre III, concernant les artistes, pour y apposer, éventuellement, sa signature. La négociation de ce titre a été arrêtée en février 2012 par les chambres patronales de producteurs non signataires, et il a fallu attendre avril 2013 pour que le ministère du travail convoque de nouveau une réunion de la commission mixte paritaire à ce sujet. Malheureusement, les organisations non signataires de la convention collective de janvier 2012 (APC, UPF, SPI, AFPF, APFP et CFDT) ont décidé de boycotter la réunion. Néanmoins, un calendrier de négociations a été établi, et nous espérons aboutir, du moins pour les artistes interprètes, avant la fin du festival de Cannes 2013. Bien sûr, les salaires minimaux de la convention collective de 1967 continuent à être applicables pour les acteurs en attendant la finalisation et l’extension du nouvel accord. Ces salaires sont la seule partie de la convention de 1967 qui est étendue.
Jimmy Shuman