Loi d'orientation : le SFA planche

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Article paru dans Plateaux n°212 - 1er trimestre 2013

Ca y est, un projet de loi d'orientation sur la création artistique est en voie d'élaboration. C'est officiel et plus personne dans notre petit monde du spectacle vivant ne l'ignore.

En novembre dernier, le SFA a été sollicité pour apporter sa pierre aux réflexions et propositions que la fédération du spectacle formulera prochainement sur ce projet de loi à l’invitation de la DGCA (direction générale de la création artistique), chargée de piloter une consultation préalable des organisations professionnelles sur le sujet.

 

Ce projet de loi fait suite à une des promesses de campagne de François Hollande qui – comme son concurrent – s’était engagé à faire voter une loi sur le spectacle vivant. L’objet de la loi est devenu entre-temps, au cours de l’été et dans la bouche de la ministre, « la création artistique ».

 

Malgré notre profond dépit de voir le gouvernement du « changement » prendre dès septembre comme toute première mesure dans le domaine culturel une baisse d'un niveau historique du budget ministériel de référence, malgré notre regret de ne retrouver dans ce projet de loi qu’une réponse partielle à notre revendication plus globale d’une loi d’orientation sur la culture, il ne saurait être question de laisser passer l’occasion de mettre en avant l’ensemble des propositions que nous avons à émettre, d’autant que les titres des chapitres proposés dans le plan de la DGCA (équité territoriale et égal accès à l’art et à la culture, régulation du secteur, diversité, développement de l’emploi, formation et enseignement, international) débordent largement le cadre étroit de l’intitulé et incluent un grand nombre d’aspects qui nous concernent…

 

En effet, la ministre a annoncé son intention de mettre la question sociale (dont la question de l’assurance-chômage …) ainsi que celle des pratiques en amateur « au centre » du texte : pas question donc de faire la fine bouche et de rester muets là-dessus ! Faut-il rappeler que l’inscription dans le projet de loi du principe d’un dispositif chômage spécifique renvoie à notre lutte de 2005 en faveur d’une proposition parlementaire législative sur la question  (PPL).

 

Avant la fusion, ou plutôt la synthèse à l’échelon fédéral, des contributions respectives émanant des syndicats concernés (snam, synptac, snap, sfa), chaque organisation avait à charge de rédiger la sienne.

 

La « planche » SFA a été confiée au premier chef à sa commission « politiques culturelles » et plus particulièrement au groupe de travail spécifique « loi d’orientation » créé lors de notre dernier congrès à Angers, mais il a semblé judicieux d’élargir le débat, au vu de l’importance du sujet, en consacrant à la question un temps non négligeable d’un conseil national en janvier dernier.

 

Cela étant, nous devons reconnaître que la construction d’un tel document nous a pris quelque peu de court. Nous n’avons en effet pas l’habitude d’être consultés de manière aussi générale et systématique, et l’élaboration d’une « somme » revendicative de cette nature n’était pas apparue jusqu’à présent aussi nécessaire. Il est vrai que les réalités du terrain et leur urgence nous ont entraînés ces dernières années avant tout à combattre ce qu'on voulait nous imposer sans toujours prendre le temps nécessaire de chercher à formuler ce vers quoi nous voulons tendre, omettant en cela que nous sommes, en tant que syndicalistes Cgt, autant un outil de proposition que de contestation.

 

Pris de court sans doute, mais pas au dépourvu : plusieurs documents, dont au premier rang nos projets d’orientation de congrès, contiennent des propositions et des idées qu’il suffisait de relire, d'en dresser l’inventaire,  et d'en faire une  présentation  adéquate.

 

Sans entrer dans le détail du texte, les rédacteurs de la contribution SFA ont opté pour une forme concise, précisant et insistant sur un certain nombre de principes fondamentaux  de la mission de service public en matière de création artistique et d'accession à la culture dont l’état a la charge et la haute responsabilité. Ils ont rappelé l’existence de textes dont l’application permettrait  de résoudre nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

 

Il a été fait le choix de construire un texte aussi équilibré que possible, comportant, certes, quelques faiblesses sur certaines questions comme la propriété littéraire et artistique et l’international, sur lesquelles nous ne sommes pourtant pas en reste.

 

Ainsi, il nous a semblé d’importance de rappeler le rôle capital de l’état dans la question de l’égal accès de tous à la culture, lequel figure dans la constitution, ce qui lui confère bien son caractère de service public.

 

 Cependant, sait-on jamais, prise sous le feu croisé de la fâcheuse tendance de l’état à se défausser de ses responsabilités sur les collectivités territoriales et de la mise en concurrence entre régions,  parmi lesquelles se dessinent d’ores et déjà des plus riches et des plus pauvres,  cette notion de service public risque de se diluer, voire de disparaître dans une compétition qui aura immanquablement comme conséquence de creuser les inégalités et d’accentuer les déséquilibres qu’il sera d’autant plus difficile de corriger. Nous sommes là aux antipodes du concept républicain d’une répartition harmonieuse des infrastructures culturelles sur l’Hexagone[1].

 

Aussi, comme on dit en alsacien, « doppelt gnait hebt besser » : « ce qui est doublement cousu tient mieux ».  En ces saisons où les valeurs collectives ont une fâcheuse tendance à déraper, une piqûre n’est pas inutile pour rappeler ce qui est censé fonder nos sociétés « démocratiques », à savoir la solidarité et son corollaire, les péréquations territoriales.

 

En revanche  nous avons été plus circonspects sur la question des pratiques en amateur. A priori marginale, elle ne devrait pas poser problème. Malheureusement l’irruption croissante de spectacles non professionnels dans le circuit commercial commence à faire de sérieux dégâts sur l’emploi : les artistes lyriques des chœurs en sont les victimes de plus en plus révoltées et ils ne sont pas les seuls. Nous nous sommes donc limités à affirmer fortement deux positions de principe, à savoir : l’importance sociale des pratiques en amateur et leur légitimité à rencontrer le public, et l'impérieuse exigence d’établir un cadre pour que cette exposition n’entre pas en conflit avec l’exercice professionnel des expressions artistiques.

En tout état de cause, dès lors qu’une personne, quelle que soit sa pratique, participe à un spectacle professionnel, elle doit être rémunérée selon les dispositions légales.

 

Cette contribution SFA à la consultation sur le projet de loi d’orientation a donc été rédigée sur ces bases. Elle doit maintenant se frotter aux appréciations et aux approches forcément et salutairement différentes, voire divergentes, de nos camarades des autres syndicats de la fédération concernés qui ont d'autres pratiques professionnelles.

 

Elle ne saurait être un point final à notre réflexion, au contraire : au-delà de son objet circonstanciel, elle a vocation à devenir un socle sur lequel nous appuyer pour continuer à définir les fondements de notre raison d’être en tant qu’artistes et préciser toujours mieux le sens et la nécessité de nos métiers, au service de qui, et quelles sont les conditions sociales et politiques dont nous avons besoin pour remplir notre fonction.

 

Daniel Muringer
Aristide Demonico

 

 

 


[1] La scène nationale de Mulhouse illustre bien ce risque contenu dans la concurrence : elle avait été créée parallèlement à un projet de « Technopôle » avec le souci majeur d’encourager l’implantation d’entreprises de pointe et d’attirer une élite de professions technologiques.