FAQ SUR LA REPRISE DES ARTISTES INTERPRÈTES

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9 Juin 2020

(Version du 4 juin 2020)

Cette nouvelle Foire aux questions (FAQ) s’adresse uniquement aux artistes du spectacle (artistes de complément inclus). Elle n’est pas exhaustive et pourra être actualisée selon les évolutions des textes de loi, ordonnances, décrets, etc. 

Elle vise à la fois les conditions de travail et les problématiques relatives au contrat, promesse d’embauche, salaire, activité partielle (« chômage partiel »). Les questions relatives à l’assurance chômage font l’objet d’une FAQ distincte.

Liens utiles :

Guide des préconisations de sécurité sanitaire pour les activités de la production audiovisuelle cinématographique et publicitaire

Guide des bonnes pratiques sanitaires dans le doublage

Avenant N° 1 Guide Doublage

Protocole national de déconfinement

Site du CMB

 

Q. Le port du masque est-il obligatoire ?

R. CE QUE DIT LA LOI : l’article L. 4122-1 du Code du travail pose le principe d’une obligation de sécurité de résultat en termes de santé et de sécurité au travail. Autrement dit, l’employeur doit tout mettre en œuvre pour protéger la santé du personnel, que celui-ci soit en CDD ou en CDI, ou même embauché dans le cadre du GUSO.

Le même article prévoit que « les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir ».

Ce principe de sécurité au travail s’applique aux employeurs du secteur privé comme à ceux du secteur public (artistes ayant des mairies comme employeur, par exemple).

A la condition que le port du masque soit nécessaire à l’exercice du travail, l’employeur peut exiger le port du masque, mais celui-ci doit s’inscrire dans un ensemble de gestes et de mesures diverses détaillées entre autre dans le protocole national de déconfinement, et ne pas occulter les autres obligations de l’employeur, notamment l’évaluation des risques poste par poste.

Le masque doit être correctement utilisé [fiche CMB] et l’employeur doit prendre à sa charge le coût des masques [article L. 4122-2 du Code du travail].

 

Q. Mon employeur exige que je passe un test de dépistage, en a-t-il le droit ?

R. L’employeur n’a pas le droit de réaliser un test de dépistage (qui est un acte médical) à l’égard d’une personne salariée. Cette pratique relève de la compétence exclusive du personnel de santé habilité.

Par ailleurs, aucun texte ne permet à l’employeur d’imposer de faire faire un test par du personnel de santé. L’employeur n’a donc pas le droit d’imposer un tel test, ni d’en exiger le résultat. Il ne peut pas conditionner un contrat de travail (début, reprise, prolongation, etc) à l’existence d’un tel test.

Le Ministère du travail le précise dans le protocole national de déconfinement (page 14).

« […] les campagnes de dépistage organisées par les entreprises pour leurs salariés ne sont pas autorisées. À l’heure actuelle, seuls les tests virologiques RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngés sont fiables pour confirmer le diagnostic de COVID-19. La réalisation de ces prélèvements sur prescription médicale […] doit être réalisée par des professionnels formés. En conséquence, à ce stade, aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage. »

Les modalités de remboursement éventuel des tests sont susceptibles d’évoluer. Le Code du travail précise que (article L. 4122-2) : « Les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs », 

 

Q. J’ai des symptômes, dois-je me retirer de mon poste ?

R. CE QUE DIT LA LOI (article L. 4122-1 du Code du travail) : « Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. »

Le Code du travail pose une obligation de résultat pour l’employeur en matière de sécurité (article 

L. 4121-1) : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

EN PRATIQUE : En cas de doute ou de suspicion du Covid-19, l’employeur peut inviter (mais non obliger) la personne à consulter rapidement, et à se mettre, par précaution, en retrait de l’entreprise pour préserver la santé de ses collègues. La personne salariée peut aussi le faire de sa propre initiative. 

Si les symptômes le justifient, une consultation médicale s’impose (en cabinet ou en téléconsultation) ; un arrêt maladie devrait être délivré et éviter ainsi une perte de revenus.

UN LIEN UTILE : le CMB détaille les mesures d’auto-vigilance et les symptômes d’alerte [lien].

EN RESUMÉ : L’employeur a une obligation légale de l’entreprise de garantir la santé et la sécurité de son personnel, mais il ne peut pas utiliser ce texte de loi (article L. 4121-1) pour imposer dépistage, consultation, ou exiger un arrêt maladie. Inversement il appartient à toute personne d’être vigilante sur d’éventuels symptômes (y compris dans l’entourage familial) et de ne pas faire courir de risques inutiles à ses collègues et interlocuteurs professionnels extérieurs à l’employeur.

IMPORTANT : en aucun cas l’employeur ne peut vous imposer une rupture anticipée de CDD, ou « annuler » votre CDD si celui-ci n’a pas encore commencé. Cela constituerait une discrimination en raison de l’état de santé. Voir également notre communiqué sur le sujet de la rupture imposée.

 

Q. Mon employeur veut imposer une prise de température manuelle ou par des caméras thermiques, est-ce possible ?

R. La prise de température manuelle est considérée comme peu fiable, et faussement sécurisante en cas de charge virale non détectée ou asymptomatique. Néanmoins, l’employeur n’a pas l’interdiction de proposer une prise de température manuelle mais il ne peut pas l’imposer à la personne salariée. 

Le refus de la personne salariée d’accepter une prise de température ne peut donc avoir aucune conséquence sur son poste ou sur son salaire, même si un employeur tente de faire croire le contraire.

Une prise (consentie) de température positive qui amènerait l’employeur à demander à la personne salariée de rentrer chez elle ne peut pas avoir pour effet une perte de salaire ou une rupture de contrat. Nous vous conseillons de consulter rapidement un médecin pour obtenir un arrêt maladie.

Toutes les précautions sanitaires doivent être prises pour éviter une contamination lors du contrôle de température, et la dignité des personnes doit être respectée, ainsi que leur information préalable.

En outre, l’employeur doit respecter, le cas échéant, les procédures habituelles de consultations des institutions représentatives du personnel, mettre en œuvre une procédure d’informations…

Il est enfin interdit, pour l’employeur, de conserver les données nominatives relatives à cette prise de température. La CNIL a communiqué sur ce sujet : voir l’article.

La CNIL précise que « les opérations automatisées de captation de température ou au moyen d’outils tels que des caméras thermiques » ne sont pas autorisées.

 

Q. Puis-je refuser de travailler si je me sens en danger à cause du Covid-19 (droit de retrait) ?

R. Le droit de retrait est une notion juridique à manier avec prudence. 

CE QUE DIT LA LOI : selon les articles L. 4131-1 et suiv. du Code du travail, un travailleur ou une travailleuse peut se retirer d’une situation de travail dont pour laquelle il y a un motif raisonnable de penser que cette situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. 

Ce même article précise que : « L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection ». 

Ce point peut, en toute hypothèse, concerner des masques jetables qui seraient réutilisés, des masques non conformes aux normes AFNOR, etc…

Concernant la situation sanitaire et le droit de retrait, le Ministère du travail rappelle que : « le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie ». 

Le droit de retrait peut être considéré comme abusif par un juge, ce qui suppose d’aller en justice, étant cependant rappelé que (article L. 4131-3) : « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux. »

EN PRATIQUE, un employeur qui forcerait des artistes à travailler sans respect de la distanciation, sans prendre en compte l’émission de postillons (notamment chez les artistes lyriques ou en répétition pour les artistes dramatiques), qui ne désinfecterait pas le matériel, notamment des masques de costumes, qui collectiviserait les outils et produits de maquillage, expose potentiellement la santé des personnes. Cependant, sur le strict plan juridique, il n’est pas certain que cela suffise caractérise un « danger grave et imminent ». Cette notion reste à l’appréciation des juges en cas de litige.

NOTRE CONSEIL est de ne prendre aucun risque. Préserver sa santé est primordial en cas de doutes suffisants, notamment si une ou un collègue présente des symptômes réels et continue à travailler. Il vous appartient d’apprécier aussi objectivement que possible la situation, la légitimité du droit de retrait s’appréciant au cas par cas et de manière très factuelle.

Si vos doutes sont réels, sérieux et justifiés, mieux vaut se retirer et prendre le risque (faible) d’un litige – litige qui reste théorique, puisque souvent les artistes n’ont pas encore leur contrat de travail signé, ou travaillent dans le cadre de répétitions non rémunérées (ce qui est, rappelons-le, illégal…).

Selon les structures, l’artiste peut aussi informer et interpeller les institutions représentatives du personnel, et peut alerter la médecine du travail (CMB) ou  l’inspection du travail.

ATTENTION : Le droit de retrait doit être exercé de telle manière qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (article L. 4132-1 du Code du travail)

 

Q. L’employeur est-il responsable des conditions sanitaires en résidence en dehors du temps de travail ?

R. L’obligation de sécurité de l’employeur peut s’étendre au-delà du temps de travail effectif dès lors que l’artiste reste dans un cadre professionnel, ce qui est le cas des résidences avec hébergement et repas organisés par l’employeur, et bien souvent des horaires réels flous.

Ainsi l’employeur doit veiller à la désinfection des locaux dédiés à la pause, aux repas, à l’hébergement, aux sanitaires, etc. L’employeur doit naturellement veiller à tenir à disposition le matériel nécessaire au respect des gestes barrières même hors temps de travail.

Il doit par exemple (liste non exhaustive) veiller à organiser des roulements pour les repas qui seraient d’habitude pris en commun, ainsi que la distanciation sociale pendant les repas et l’hébergement. Il doit également privilégier les hébergements individuels.

 

Q. L’employeur peut-il annuler et reporter des dates, y compris pour cet été, cet automne, pour 2021… ?

R. Une date de représentation ou de répétition peut toujours être reportée ou annulée. Cela relève de la politique de l’entreprise. Mais les contrats de travail, eux, ne sont pas reportables. Cette pratique n’a aucun fondement légal.

L’employeur doit tenter de – dans l’hypothèse où vous avez un contrat signé qui aurait dû se dérouler actuellement – soit vous payer intégralement, soit vous faire bénéficier du dispositif de l’activité partielle. Rappelons que c’est à lui de faire la démarche, via le site dédié.

L’employeur ne peut pas rompre le contrat actuel sans vous indemniser, en vous promettant de vous « garder une option » ou « une priorité » pour cet été ou automne, ou en exigeant que vous fassiez de même. Vous n’avez aucune certitude à ce jour que de futures dates puissent avoir lieu (cela dépendra de divers paramètres, dont la disponibilité des salles).

S’il vous promet une nouvelle embauche ultérieure, tant mieux (exigez un écrit !), mais ce ne doit pas être conditionné par l’absence de chômage partiel (activité partielle) ou de paiement aujourd’hui. 

Le même principe vaut selon nous dans le cas courant des promesses d’embauches (promesses de contrat de travail), à la condition que l’existence de la promesse soit suffisamment caractérisée.

[actualisation] Nous avons interpellé (sans réponse) les Ministères de la Culture et du travail sur le sujet des reports de dates par une lettre ouverte. Les arguments exposés sont toujours valables en juin 2020. La « fiche d’information » du Ministère du travail circulant depuis mi-mai et précisant que les dates annulées et reportées n’ouvriraient pas droit à l’activité partielle ne repose sur aucun texte légal. Elle méconnait les droits attachés au contrat de travail, et expose la responsabilité juridique de l’employeur. 

 

Q. Mon employeur restreint ses équipes (suppression de rôle ou de scènes…) et ne va faire travailler qu’une partie des artistes. Quels sont mes droits ?

R. MEME PRINCIPE : l’employeur doit honorer le contrat signé ou la promesse d’embauche. A défaut, il doit vous indemniser, ou a minima, vous déclarer en activité partielle. La suppression d’un rôle ou d’une scène, la suppression d’un spectacle ou de personnages sur des parcs de loisirs ne sont pas des motifs valables en soi, même pour raisons sanitaires.

 

Q. J’ai un contrat en cours (CDD ou CDI) et j’ai plus de 65 ans / j’ai une maladie chronique / je suis à la fin de ma grossesse, suis-je une personne vulnérable ?

R. CE QUE DIT LA LOI : la loi du 25 avril 2020 prévoit (article 20) que les salariés « vulnérables » doivent se voir appliquer le dispositif de l’activité partielle (« chômage partiel »), y compris au-delà du 11 mai 2020. 

Un décret (Décret n° 2020-521 du 5 mai 2020) précise 11 situations de santé dans lesquels une personne est considérée comme étant vulnérables : voir ici la liste.

L’employeur ne peut pas refuser le maintien en activité partielle (chômage partiel) pour les artistes qui seraient dans ce cas de figure, sauf si une solution de télétravail peut être mise en place (possibilité néanmoins peu probable dans les milieux du spectacle, de l’audiovisuel, etc.)

EN PRATIQUE, pour éviter la communication d’éléments relevant de votre vie personnelle et couverts par le secret médical :

  • La personne salariée doit transmettre à l’employeur un « certificat d’isolement », adressé par l’Assurance maladie ou établi par son médecin traitant ;
  • l’employeur peut alors procéder à la demande de mise en activité partielle sur le site dédié.

Dans le cas où l’employeur est en réalité une collectivité (une mairie pour certains opéras, par exemple, un conservatoire, etc), et par conséquent ne pouvant pas mettre en œuvre l’activité partielle, il doit, selon nous, maintenir intégralement le salaire.