Alors que le jour d'après semble n'être plus qu'un vague horizon s'éloignant toujours plus, alors que tout annonce plutôt des jours similaires aux jours d'avant, alors que le président de la République n'avait rien de plus pressé que de nommer un nouveau gouvernement figeant des travaux essentiels pour la reprise dans nos secteurs, alors que le monde de la culture accueille sa nouvelle ministre Roselyne Bachelot dans une situation de crise sans précédent, le SFA s'interroge.
Le précédent ministre nous a laissé sans plan de relance, sans ambition, sans visibilité sur le moyen ou long terme dans nos secteurs.
Comme cadeau d’adieu, il a défendu les demandes des producteurs de l’audiovisuel et du sonore pour vider le projet de transposition de la directive droit d’auteur de toute avancée dans la rémunération des artistes interprètes pour l’exploitation de leur travail sur Internet (cf. communiqué commun signé avec l'Adami).
Ses services nous ont concoctés un plan 2S2C censé à la fois distraire et éduquer les petits, tout en fournissant du travail sous-qualifié et sous-payé aux artistes sur-qualifiés et toujours sous-payés, en lieu et place du vrai travail de transmission qui passionne de nombreux interprètes et éducateurs.
Depuis le déconfinement, des réunions à la Direction générale de la création artistique ont repris pour que le petit train de contre-réformes ne s'arrête pas. Dans les propos tenus dans ces échanges nous sentons bien que nous sommes très loin du jour d'après, nous sommes revenus à « avant-hier ».
On nous a abreuvé depuis quelques jours, la Ministre y contribuant aussi allègrement, de l’amour de cette dernière pour les arts et les artistes. Ministre des artistes et des territoires, nous dit-on. Mais pour quels artistes va-t-elle œuvrer, quelle est sa vision de l’implication des artistes dans leurs territoires ? En changeant la distribution, le Président de la République n’a donné aucun signe d’une nouvelle orientation pour la politique culturelle de la nation, si tant est qu’une telle politique existe, ou que le concept soit même compris.
Cela ne peut pas se limiter à l’évocation présidentielle de quelques connaissances poétiques, ni même à une « année blanche » d’assurance chômage (pour laquelle le décret d’application semble toujours bloqué dans les rouages administratifs…).
Comment pourrions-nous accepter qu'après la crise du COVID-19 la question de l'égalité femme/homme soit reléguée au surlendemain ? Sous prétexte que ce serait « trop compliqué », qu'il faut aller vite ?
Les artistes interprètes ne peuvent plus entendre que les questions cruciales de l'égalité femme/homme, de la mixité, de la lutte contre les préjugés liés au genre, à l'âge ou à la couleur de la peau dans nos métiers ne soient toujours pas au cœur de nos discussions et des réformes proposées.
Ce n’est pas nouveau, et nous nous impatientons.
Nous avons besoin d'en débattre avec précision dans chaque dispositif, et non pas traiter ces questions comme « transversales ».
Il est urgent d'oser, d'inventer. Les belles phrases transversales ne suffisent plus.
Le SFA demande à notre nouvelle ministre de parler enfin de la relance dans nos secteurs, et tout aussi concrètement de cela aussi : que demain soit le jour où nous travaillerons réellement à l'égalité, à la lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles, non pas comme un horizon inaccessible, mais bien comme un chemin que nous traçons et parcourons enfin.
Le SFA demande que les organisations professionnelles représentatives soient respectées, écoutées et associées aux travaux nécessaires pour que les spectacles et les œuvres enregistrées puissent redémarrer, qu’ils reflètent mieux la population du pays, et que les artistes puissent travailler pour servir cet objectif dans un cadre sûr, protecteur sur le plan sanitaire et moral.
Le SFA demande de connaître la vision qu’a la nouvelle Ministre pour la culture en France pour les mois, les années et les décennies à venir, au-delà de son mandat, car c’est maintenant qu’on doit en poser les bases.