Rencontres européennes des artistes à Cabourg

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Article paru dans Plateaux n°203 - 4ème trimestre 2010

Le SFA a de nouveau participé, fin novembre, aux Rencontres européennes des artistes organisées pour la onzième fois par l’ADAMI. C’est une occasion incontournable de discuter des questions de propriété intellectuelle, notamment, mais aussi de production et de la situation sociale des artistes interprètes aux niveaux français et européen.

Les Rencontres permettent aux artistes, mais surtout à leurs représentants, aux « institutionnels », aux employeurs et aux spécialistes de ces questions d’échanger et de s’instruire dans un cadre plus informel que lors de négociations ou autres concertations. C’est une autre façon de tenter d’avancer…

Des artistes, qu’ils soient membres ou non du SFA ont été bien présents dans la salle mais aussi à la tribune des trois ateliers organisés, riches d'informations et d'interrogations.

 Les débats étaient souvent vifs.

Le premier atelier a traité de la question très actuelle de la gestion collective des droits musicaux sur Internet. Il a permis de confronter les positions des producteurs de phonogrammes, des plateformes légales de téléchargement, de l'ADAMI et du SFA, et a été nourri par des contributions intéressantes des éditeurs, des producteurs audiovisuels du SPI (syndicat des producteurs indépebdants) et de la SACD (société des auteurs et ciomposireurs drama            tiques). Tandis que les oppositions connues de longue date entre les producteurs et les artistes ont été de nouveau développées (voir notre article sur la mission Hoog), l'exemple des accords collectifs dans l'audiovisuel -où certains droits de propriété littéraire et artistique des artistes interprètes sont gérés par l'ADAMI- (cités par le SPI et le SFA dans leurs interventions), a permis d'entrevoir une possible piste pour un rapprochement des points de vue, et des avancées potentielles pour les artistes principaux dans l'édition phonographique.

Le deuxième atelier qui posait la question, « Le droit est-il un obstacle à la création ou à la diffusion des oeuvres? » a vu une confrontation entre deux camps: ceux qui pensent que le droit d'auteur (et donc aussi les droits voisins), s'il est respecté, est un frein à la création artistique, laquelle  doit souvent se fournir en matériau à partir d'oeuvres déjà existantes- et ceux qui affirment que le plein respect du droit d'auteur est nécessaire pour que les créateurs et interprètes puissent vivre de leur travail. Dans un monde numérique, où l'échantillonnage, le « mashup » ou l'appropriation personnelle d’images et d’extraits sans autorisation co-existent et sont universellement accessibles, la question est complexe, juridiquement, artistiquement et socialement. Peut-on créer sans limites? Peut-on créer avec limites? Jusqu'où doit-on défendre la notion de propriété immatérielle? Aucune réponse définitive, bien sûr, n'a été apportée, mais il a été évoqué le besoin de faire évoluer le droit -tout en le conservant- pour que les intérêts de tous les artistes soient pris en compte. Un appel est lancé à la créativité des juristes! 

La discussion lors du troisième atelier, « L'Europe, une chance ou une menace pour la création » a été marquée par de fortes tensions entre la salle et les deux représentants de la Commission européenne à la tribune, l'un de la direction du marché intérieur et l'autre de la direction de la culture. Vu l'importance économique des « industries culturelles » (2,6 % du PIB européen), la direction du marché intérieur cherche harmonisation, mobilité, facilité de commercialisation. La culture proclame haut et fort son attachement à la diversité, mais accepte sans trop de difficulté que la culture devienne une variable d'ajustement dans les accords commerciaux.

Ce que nous avons surtout appris, c'est qu'il faut rester sur le qui vive et apporter une attention soutenue aux projets de la Commission, mais surtout aux positions prises par le gouvernement français, car après tout, ce sont les Etats du Conseil européen qui pilotent cette Commission! Les échanges sur les divers programmes culturels européens nous ont aussi montré que la plupart des artistes interprètes restent encore trop ignorants du fonctionnement de l'Union européenne.

Pour le SFA, les Rencontres pointent surtout la nécessité de continuer notre travail sur tous les sujets abordés, et de susciter des vocations chez encore plus d'artistes pour partager et amplifier nos compétences collectives.