Article paru dans Plateaux n°198 - 3ème trimestre 2009
La loi dite « HADOPI 2 » a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 21 septembre, après l’approbation par le Sénat. Pour rappel (voir Plateaux n° 197), cette loi met en place le dispositif juridique qui devrait permettre à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet de sanctionner le téléchargement illicite, notamment par la suspension de l’accès Internet d’un abonné dont la connexion aurait servi à l’acte incriminé. Selon le gouvernement, l’HADOPI devrait être instaurée avant la fin de l’année, et les premiers avertissements devraient arriver chez les internautes présumés indélicats début 2010. Mais le parti Socialiste a déjà annoncé qu’il saisissait le Conseil constitutionnel pour empêcher la promulgation de la loi et, vu le succès qu’il a eu avec sa dernière saisine contre « HADOPI 1 », on peut craindre que l’activité effective de l’Autorité soit retardée encore.
Dans l’attente, le ministre de la Culture, avec qui on ne peut qu’être d’accord quand il dit, « la lutte contre le piratage des œuvres organisée par ces textes constitue une condition nécessaire, mais non suffisante, pour faire d’Internet un vecteur privilégié de la diffusion de contenus culturels », a créé une mission « Culture et Internet ».
La mission « Culture et Internet »
Celui-ci confie à Patrick Zelnick, (président d’Impala -association internationale des maisons de disque « indépendantes »- et président-directeur général de Naïve), Jacques Toubon (président d’Eurimages, ancien ministre de la Culture, ancien député européen) et Guillaume Cerutti (directeur de Sotheby’s France, ancien directeur du cabinet de Jean-Jacques Aillagon et ancien directeur du Centre Pompidou) la tâche de plancher « sur l’offre légale de contenus culturels sur Internet et sur la rémunération des créateurs et le financement des industries culturelles », et de produire un rapport pour le 15 novembre.
Améliorer l’attractivité de l’offre légale
Les trois missionnés, après avoir largement consulté les divers intervenants dans le dossier (normalement les représentants des auteurs, producteurs, interprètes, consommateurs, industriels de la télécommunication, etc.), sont censés proposer des pistes pour améliorer l’attractivité de l’offre légale, assurant l’accès des publics aux contenus divers, de manière plus souple et à un coût maitrisé. Ils doivent aussi travailler sur « la rémunération des acteurs de la création, du financement de celle-ci et du partage de la valeur dégagée ». Leur rapport doit contenir des mesures concrètes à mettre en œuvre rapidement en France, et aussi des contributions pour le Livre vert de la Commission Européenne sur les industries culturelles et créatives.
« Un partage différent d’un gâteau élargi »…
Lors de la conférence de presse annonçant cette initiative, Jacques Toubon a dit chercher les moyens « d’assurer le droit moral et patrimonial dans un monde où toutes les œuvres sont disponibles et on est encouragé à les consommer ». Il souhaite pouvoir proposer des « solutions diverses et fines », prenant en compte les différences entre le monde sonore/musical et le monde audiovisuel -où la place du droit exclusif n’est pas la même- avec des traductions juridiques peut-être complexes, y compris sans doute sur le plan international. Il a rappelé que les principes d’exclusivité et de proportionnalité sont inhérents au travail de l’artiste. Et tout en disant vouloir sortir des « affrontements », il a assuré vouloir un « partage différent d’un gâteau élargi »…
Le SFA continuera à œuvrer…
Le SFA, qui a bien sûr des idées sur tous ces sujets depuis longtemps, (voir Plateaux N° 197, mais aussi quasiment tous les numéros précédents depuis au moins 15 ans…), a déjà répondu au questionnaire élaboré par la mission et cherche a être entendu, notamment par Monsieur Toubon, chargé plus spécialement de la question de la rémunération des ayants droits et le financement de la production (qui nous fournit des emplois). Le syndicat cherche aussi à développer des positions communes avec les autres syndicats de notre Fédération et avec notre partenaire privilégié, l’ADAMI, ainsi qu’avec -là où c’est possible- les autres intervenants dans nos filières professionnelles.
Nous continuons, en tout cas, à œuvrer pour une plateforme publique de téléchargement, pour des accords conventionnels assurant une meilleure part des revenus générés par notre travail, plus contrôlable, liée non pas à la recette nette producteur, mais basée sur le prix payé par le public, pour une part des recettes publicitaires associées à la mise en ligne de nos enregistrements, parmi d’autres pistes. Et nous continuons à revendiquer une compensation des opérateurs de télécommunications et des fournisseurs d’accès Internet pour la part de piratage incompressible qui continuera à s’effectuer à travers leurs « tuyaux », malgré tous les efforts de la Haute autorité !
Oui, il faut encourager des plateformes légales (et donc décourager le téléchargement illégal), mais il faut aussi que cela profite à tous les maillons de la chaîne de la création, et notamment aux artistes interprètes.
Jimmy SHUMAN