Soutien de l’Observatoire de la liberté de création à Miriam Cahn et au Palais de Tokyo

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L’Observatoire de la liberté de création, créé en 2003 pour lutter de façon

solidaire contre la censure et les demandes de censures, s’est saisi de la

demande de retrait de l’oeuvre de Miriam Cahn Fuck abstraction actuellement

exposée au Palais de Tokyo.

Prétendument au nom de la lutte contre la pédopornographie, des militants ont

inondé les réseaux sociaux d’une mauvaise représentation de cette oeuvre pour

demander qu’elle soit interdite, ce qui n’est pas le moindre paradoxe de leur

position : opérant à grande échelle et sans aucun égard pour les mineurs la

diffusion qu’ils reprochent au Centre d’art, ils font le reproche à l’oeuvre de

représenter un crime, d’en faire l’apologie et d’être susceptible d’être vue par

des mineurs. Ils en demandent le retrait.

Miriam Cahn est une artiste de 73 ans qui a passé plus de quarante ans à

documenter les horreurs de la guerre. Cette oeuvre est une de ses plus

récentes. Il est expliqué dans l’exposition qu’il s’agit d’une « référence aux

événements entourant la ville de Boutcha, en Ukraine, lors de l’invasion russe »

qui ont été documentés par de nombreuses organisations internationales, dont

Human Rights Watch¹. Voici ce que l’artiste dit de cette oeuvre : « Il s’agit ici

d’une personne aux mains liées, violée avant d’avoir été tuée et jetée dans la

rue. La répétition des images de violence dans les guerres ne vise pas à

choquer, mais à dénoncer. »

Le viol de femmes et d’enfants en Ukraine, en violation des règles

internationales, est un crime de guerre en cours d’instruction, comme le relate le

documentaire Viols en Ukraine, documenter l’horreur de Marine Courtade et

Ilioné Schultz diffusé sur LCP le 20 février 2023. La représentante spéciale de

l’ONU Pramila Patten l’a dénoncé dès octobre 2022 : « Quand des femmes et

des filles sont séquestrées pendant des jours et violées, quand vous

commencez à violer des petits garçons et des hommes, quand on voit une série

de cas de mutilations d'organes génitaux, quand vous entendez les témoignages

de femmes évoquant des soldats russes équipés de viagra, c'est clairement une

stratégie militaire. Et quand les victimes évoquent ce qui a été dit pendant les

viols, il est clair que c'est une tactique délibérée pour déshumaniser les

victimes ».

Les artistes doivent pouvoir dénoncer ces crimes en pleine liberté. Comme le

disait George Sand à propos de la littérature, « L’écrivain n’est qu’un miroir qui

reflète, une machine qui décalque, et qui n’a rien à se faire pardonner si ses

empreintes sont exactes, si son reflet est fidèle »². Il en va de même pour la

peinture, et ce débat qui a traversé déjà deux siècles a toujours conclu à la

déconsidération des censeurs.

 

Chacun est libre d’interpréter l’oeuvre comme il l’entend. Mais la sortir de son contexte d’exposition, la diffuser en lui donnant une interprétation particulière (contraire à l’intention de l’artiste qui affirme que les personnages sont tous des adultes), et en demander son retrait, relève de la pure instrumentalisation. Caroline Parmentier, ancienne journaliste de Présent, députée RN qui s’est abstenue de voter la résolution affirmant le soutien de l'Assemblée nationale à l'Ukraine et condamnant la guerre menée par la Fédération de Russie le 30 novembre 2022, préfère demander le retrait d’une oeuvre qui représente, selon elle, des crimes contre des enfants, que dénoncer ces crimes eux-mêmes.

S’en prendre aux oeuvres d’art et aux institutions artistiques est, depuis une vingtaine d’années, à nouveau tendance et tentant : on sait que l’on fera ainsi connaître son nom et son combat, et si les groupes de pression changent, les méthodes sont toujours les mêmes.

L’Observatoire de la liberté de création apporte son soutien plein et entier à l’artiste et au Palais de Tokyo et invite les contestataires à aller voir l’exposition au lieu d’en dire n’importe quoi. Et s’ils en sortent choqués, qu’ils se rappellent que la Cour européenne des droits de l’Homme ne cesse de rappeler que les libertés d’expression et de création sont là pour protéger ce qui choque et dérange, et non ce qui est consensuel.

1 https://www.hrw.org/fr/news/2022/04/21/ukraine-les-forces-russes-ont-sem...

2 Sand, Préface d’Indiana, T1 J.P. Roret 1832

Liste des membres de l’Observatoire de la liberté de création signataires:

Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid) ; Association des cinéastes documentaristes (Addoc) ; Section française de l’Association internationale des critiques d’art (Aica France) ; Fédération des lieux de musiques actuelles (Fedelima) ; Fédération nationale des arts de la rue ; Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC-CGT) ; Les Forces musicales ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Ligue de l’enseignement ; Scénaristes de cinéma associés (SCA) ; Syndicat français des artistes interprètes (SFA-CGT) ; Syndicat national des artistes plasticiens (Snap-CGT) ; Société des réalisateurs de films (SRF) ; Syndicat national des scènes publiques (SNSP) ; Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac).

 

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