Par un communiqué du 29 janvier 2019, la SPEDIDAM, un organisme de gestion collective (OGC) des droits de propriété intellectuelle (droits voisins du droit d’auteur dont bénéficient les artistes interprètes quand leur prestation est enregistrée) de certains artistes interprètes, accuse le Syndicat français des artistes interprètes (et le Syndicat national des artistes musiciens, ainsi que d’autres structures non nommées) d’avoir mis en place « un dispositif illégal » visant à priver les artistes interprètes des « droits en provenance de Deezer, YouTube ou iTunes ».
La Spedidam poursuit ainsi sa guerre contre la convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008, texte dont le SFA est fier d’avoir participé très activement à la rédaction. Signée par la majorité de syndicats de salariés et d’organisations d’employeurs, la convention mettait fin à un vide datant de plus d’une décennie dans la protection des artistes interprètes dans l’enregistrement musical, les assurant de conditions de travail décentes, de salaires réels et, pour certaines catégories, de rémunérations garanties pour de nombreuses utilisations de leur travail. Cette convention fut étendue le 20 mars 2009 par le ministère du Travail. Elle n’a donc rien « d’illégale ».
Pourtant la Spedidam, ainsi que deux syndicats non signataires, n’ont eu de cesse depuis d’attaquer cet accord devant divers tribunaux, considérant que seul l’organisme de gestion pouvait négocier des accords collectifs concernant les droits de propriété intellectuelle des artistes interprètes, les syndicats devant se limiter aux considérations de droit du travail.
La convention n’est pas parfaite. Dans le chapitre concernant les artistes interprètes dits « principaux », aucune règle n’a pu être instaurée sur les rémunérations des artistes pour l’exploitation de leur travail, que ce soit sur des supports physiques, le téléchargement, le streaming ou tout autre mode. Les producteurs guidés souvent par des maisons mères situées hors France ont refusé tout encadrement minimal des contrats individuels d’exclusivité liant les deux parties.
Pour les artistes d’ensemble, les musiciens et les artistes de chœur, les modes d’exploitation sont prévus dans la convention, et des compléments de salaire en général forfaitaires sont prévus pour les rémunérer. Mais l’article III.24.1 de l’annexe 3 de la convention déclare que le cachet de base couvre, outre la prestation de l’artiste, l’exploitation de l’enregistrement sur disque, ou par téléchargement ou en streaming. Le rapport de forces entre les producteurs et les représentants des artistes à l’époque n’a pas permis d’aller plus loin. Cependant depuis plusieurs années, nos syndicats œuvrent pour rouvrir cette négociation, notamment en vue de l’essor du streaming.
La Spedidam a eu gain de cause sur ce seul article, que la Cour d’appel de Versailles a annulé dans son arrêt du 24 janvier 2019, objet du communiqué de la Spedidam que vous avez peut-être reçu il y a quelques jours. Mais La Cour d’appel a par ailleurs refusé de condamner les syndicats, dont le SFA, à payer des dommages et intérêts à la SPEDIDAM, considérant que les syndicats n’avaient commis aucune faute en signant cet accord.
La Cour a aussi déclaré que cette annulation ne prendrait effet qu’au 1er octobre 2019, laissant aux partenaires sociaux le temps de négocier une nouvelle rédaction, prévoyant une distinction entre le cachet d’enregistrement et la rémunération de chaque mode d’exploitation. Cette négociation, que nous revendiquons depuis longtemps, a enfin démarré. Le SFA, comme les autres syndicats d’artistes, y est pleinement engagé. La Cour a aussi jugé que les contrats signés avant le 1er octobre, selon le texte en cours, restent valables.
Reste que pour les artistes dits « principaux », liés à leur producteur par contrat d’exclusivité, les producteurs refusent toujours d’avancer dans la négociation d’un taux de rémunération garantie minimale. Et cela malgré le « Protocole pour un développement équitable de la musique en ligne » que les producteurs ont signé, comme notre syndicat, en 2015, et malgré la « Loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine » (LCAP) de juillet 2016, qui, outre ses dispositions scandaleuses légitimant le travail gratuit des artistes amateurs dans des spectacles à but lucratif, contient plusieurs dispositions améliorant la transparence et le partage de la valeur dans le cinéma, l’audiovisuel et l’édition phonographique. Un accord insatisfaisant a certes été signé en juillet 2017 : mais négocié dans des circonstances non conformes et avec des stipulations léonines. Il a aussitôt été dénoncé par les syndicats. Depuis, et malgré l’injonction de l’article L212-14 de la loi LCAP qui prévoit que faute d’accord entre les producteurs et les syndicats une commission administrative soit constituée pour déterminer cette garantie de rémunération minimale, rien ne bouge. Le SFA a décidé de saisir le ministère de la Culture afin que cet article soit appliqué.
Enfin, en ce qui concerne le communiqué de la Spedidam, le SFA se réserve le droit d’intenter une action en diffamation contre cet organisme. Depuis des décennies le SFA travaille avec acharnement pour obtenir pour tous les artistes interprètes, dans tous les secteurs, une juste rémunération pour leur travail, y compris pour l’utilisation de leur travail enregistré, proportionnel à celle-ci : Que ce soit avant la loi « Lang » du 5 juillet 1985 qui a formalisé les droits voisins du droit d’auteur dont bénéficient les artistes interprètes qu’ aujourd’hui, au niveau national, comme décrit ci-dessus, ou au niveau européen, avec sa mobilisation active en faveur par exemple du projet de « Directive sur le droit d’auteur dans le marché unique européen », ou encore au niveau international, notre syndicat continue à militer avec la Fédération internationale des acteurs pour la ratification du « Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles » (que la France vient enfin de ratifier).
Notre syndicat n’a pas à rougir de ces efforts. La même chose ne peut pas être dite de la Spedidam sclérosée par l’attitude antisyndicale de ses dirigeants historiques.